/ 2831
474. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

L’explication qu’il en donne est peut-être plus prudente que vraie. « Les hommes de goût, pieux et éclairés, dit-il100, n’ont-ils pas observé que, de seize chapitres qui composent le livre des Caractères, il y en a quinze qui, s’attachant à découvrir le faux et le ridicule qui se rencontrent dans les objets des passions et des attachements humains, ne tendent qu’à ruiner les obstacles qui affaiblissent d’abord et qui éteignent ensuite dans tous les hommes la connaissance de Dieu ; qu’ainsi ils ne sont que des préparations au seizième et dernier chapitre, où l’athéisme est attaqué et peut-être confondu, où les preuves de Dieu, une partie du moins de celles que les faibles hommes sont capables de recevoir dans leur esprit, sont apportées, où la providence de Dieu est défendue contre l’insulte et les plaintes des libertins ?  […] Les vices des grands l’indisposent ; leur ingratitude envers les serviteurs qui se sont crevés à les suivre, leur goût pour les intrigants, l’incommodité où les met un honnête homme, leur superbe, leur vanité, tout cela le choque. […] En lisant les Caractères, je regrette de temps en temps l’autorité du prédicateur chrétien, qui me rendrait ma mobilité suspecte et me ferait craindre que mon indifférence sur les vices ne fût de la complicité ; mais, pour une fois que ma liberté m’est incommode et m’embarrasse, combien de fois ne suis-je pas flatté de l’avoir entière, et combien n’ai-je pas plus de goût pour l’écrivain supérieur qui a trouvé l’art de la caresser sans la corrompre ! […] « Ceci, dit-il, est moins un caractère particulier qu’un recueil de faits de distraction ; ils ne sauraient être en trop grand nombre s’ils sont agréables ; car, les goûts étant différents, on a à choisir. » Raison spécieuse, et qui n’est pas d’un maître de l’art. […] L’art ne consiste pas à contenter tous les goûts, en flattant les uns par ce qui choque les autres, mais à faire que les goûts les plus différents soient d’accord de la justesse d’une pensée, de la beauté d’une expression, de la vérité d’une peinture.

475. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

D’une part, à côté des hommes qui représentent le goût moyen du moment, on est sûr de rencontrer des attardés et des précurseurs. […] Ils proclament hardiment la supériorité de leur goût comme Louis XIV la suprématie de la France. […] Pendant que la poésie s’amincit et se décolore à force de s’adresser à l’intelligence pure, la prose a toutes les qualités de beauté calme et méthodique que préfère le goût régnant. […] Cette prédominance de la raison, ce goût de l’abstraction ne sont pas alors près de disparaître. […] C’est encore un moyen de rendre plus visibles les goûts dominants.

/ 2831