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461. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Le caractère de Monselet, dès ses débuts, c’est le goût du naturel, un vif sentiment du ridicule. […] C’est un bon vivant, qui a fait de bonnes études et qui a ce qu’on appelle en rhétorique du goût, mais fermé ou indifférent à toute idée de progrès, à toute vue élevée, neuve, et qui sort de la routine. […] Dans la Bibliothèque en vacances, la plaisanterie s’arrêtait à temps ; un pas de plus, on est dans la gaminerie : le goût comme la justice conseillait et commandait de rester en deçà. […] Le goût des livres et de l’érudition semble vouloir prendre le dessus en lui avec les années ; c’est bon signe : qu’il ait un jour le plat du milieu, le livre solide et de résistance, tous ses hors-d’œuvre y gagneront19. […] Bien rarement il fait un feuilleton suivi, appliqué, consciencieux, à la manière de Sarcey : il échappe le plus qu’il peut, il fuit, il fait l’article à côté : mais ces articles à côté sont souvent de petites créations d’une extrême finesse : Lettre de Valérie à Mlle Bernardine , artiste dramatique, au théâtre des Célestins, à Lyon (voir l’Étendard du 17 septembre 1866) ; — un feuilleton sur Rossini (même journal, 2 décembre 1867) ; — sur Octave Feuillet, « le romancier des femmes » (même journal, 14 janvier 1867) ; — mais surtout sur George Sand et les Don Juan de village, une légère et adorable critique, du meilleur goût (13 août 1866).

462. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Delavigne déposa d’abord ses sentiments dans quelques pièces légères, les seules de ses poésies peut-être où, tout à fait libre, encore inconnu, il se soit abandonné sans effort à ses goûts intimes et au simple penchant de sa muse. […] A cela près pourtant, tout était bien et aurait continué de l’être, si, le moment de ferveur passé, le poëte, revenant à ses goûts secrets, avait quitté une arène où il ne s’était jeté que par élan ; si, rentrant en quelque sorte dans la vie privée, il avait osé redevenir lyrique, comme il l’avait été d’abord, avec ses impressions personnelles, affections douces, mystérieuses, pudiques, écloses et nourries sous un ciel idéal, dans le calme des bocages sacrés, ou parmi les danses des guerriers et des vierges. […] Si Racine, dans les vingt-six années environ qui forment sa pleine carrière depuis les Frères ennemis jusqu’à Athalie, avait eu le temps de voir une couple de révolutions politiques et littéraires, s’il avait été traversé deux fois par un soudain changement dans les mœurs publiques et dans le goût, il aurait eu fort à faire assurément, tout Racine qu’il était, pour soutenir cette harmonie d’ensemble qui nous paraît sa principale beauté : il n’aurait pas évité çà et là dans la pureté de sa ligne quelque brisure. […] Delavigne, nous lui dirions d’oser être, à la scène, plus d’accord avec ses goûts, avec ses sympathies littéraires, qu’il ne se l’est accordé peut-être depuis quelques années. […] Un exemple éclatant140, sur la scène française, montre assez qu’en fait de goût littéraire le public n’a pas de parti pris.

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