Par cette croyance exagérée dans les théories, on donnerait une idée fausse de la science, on surchargerait et l’on asservirait l’esprit en lui enlevant sa liberté et étouffant son originalité, et en lui donnant le goût des systèmes. […] Je ne m’étendrai pas plus longtemps sur un sujet aussi important et qu’il serait impossible de développer ici suffisamment ; je terminerai en disant qu’il est une vérité bien établie dans la science moderne, c’est que les cours scientifiques ne peuvent que faire naître le goût des sciences et leur servir d’introduction.
L’innovation de Bordeu est d’avoir généralisé la sensibilité au point (comme le lui reprochait Cuvier) de donner ce nom à « toute coopération nerveuse accompagnée de mouvement, lorsque l’animal n’en avait aucune perception. » Outre cette sensibilité générale, dont le fond est le même pour toutes les parties, Bordeu imagine encore une sensibilité propre pour chacune des parties : « Chaque glande, chaque nerf a son goût particulier. Chaque partie organisée du corps vivant a sa manière d’être, de sentir et de se mouvoir ; chacune a son goût, sa structure, sa forme intérieure et extérieure, son poids, sa manière de croître, de s’étendre et de se retourner toute particulière ; chacune contribue à sa manière et pour son contingent à l’ensemble de toutes les fonctions et à la vie générale ; chacune enfin a sa vie etses fonctions distinctes de toutes les autres. » Bordeu va jusqu’à dire que « chaque organe est un animal dans l’animal » : animal in animali, excès de doctrine qui a excité les critiques de Cuvier, et plus récemment de Flourens.