On n’a jamais, que je sache (et même Émile Hennequin, qui s’est si généreusement croisé pour la justification de sa mémoire), assez insisté sur le spiritualisme d’Edgar Poe, de ce poète suprêmement idéal et pur, condamné par le sort de sa naissance et de sa vie à des besognes américaines indignes de la hauteur et de la beauté de sa pensée, qu’il eût dû garder inviolée et qui ne le fut pas toujours… On est bien obligé de le reconnaître, en présence de ses œuvres : Edgar Poe a trop souvent ployé et abaissé son propre génie sous le despotisme du génie américain, lequel n’a de goût et de passion que pour ce qui l’étonne, et qui préfère à tous les sentiments de l’âme, dans les choses de l’esprit, la force presque musculaire de la difficulté vaincue et de la contorsion réussie.
II Adolphe Dumas, non pas le Dumas encyclopédique dont chaque pas fait retentir la terre de bruit sous son pied ; non pas le jeune Dumas son fils, silencieux et méditatif, qui se recueille autant que son père se répand, et qui ne sort, après trois cent soixante-cinq jours, de son repos, qu’avec un chef-d’œuvre de nouveauté, d’invention et de goût dans la main ; mais le Dumas poétique, le Dumas prophétique, le Dumas de la Durance, celui qui jette de temps en temps des cris d’aigle sur les rochers de Provence, comme Isaïe en jetait aux flots du Jourdain, sur les rochers du Carmel, Adolphe Dumas enfin, que je respecte à cause de son éternelle inspiration, et que j’aime à cause de sa rigoureuse sincérité, vint un soir du printemps dernier frapper à la porte de ma retraite, dans un coin de Paris.