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617. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Ce simple traducteur de Plutarque s’est acquis la gloire personnelle la plus enviable ; on le traite comme un génie naturel et original. […] Un poète italien moderne, Leopardi, enviant la gloire de ces opportuns et heureux traducteurs italiens qui se sont enchaînés à quelque illustre classique des anciens pour n’en plus être séparés, s’écrie : « Qui ne sait que Caro vivra autant que Virgile, Monti autant qu’Homère, Bellotti autant que Sophocle ? […] Il est curieux de voir, en lisant ce morceau, de combien de bévues, aux yeux des érudits de profession, se compose une gloire littéraire et populaire. […] Au reste, cette légère et plutôt heureuse infidélité de l’excellent traducteur a été pour beaucoup dans son charme et dans sa gloire.

618. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

On le peignait, lui, le plus accusé des guerriers de ce temps, comme l’un des plus vifs précisément sur l’honneur, sur le sentiment de gloire et de patrie, sur le dévouement à la France, brillant, généreux, plein de chaleur et fidèle aux religions de sa jeunesse, enflammé comme à vingt ans, pour tout dire, et tricolore. […] Mais le jeune homme, par un instinct secret vers l’avenir, voulait la guerre et la carrière des armes : « Je me sentais fait pour la guerre, dit-il, pour ce métier qui se compose de sacrifices. » L’amour de la gloire avait, en quelque sorte, passé dans son essence, et au moment où il retrace ces souvenirs (1829), il ajoute : « J’en ressens encore la chaleur et la puissance à cinquante-cinq ans, comme au premier jour. » À soixante-quinze ans, il les ressentait de même. […] Il le lui devait ; car, par un retour singulier du sort, ce fut Marmont, si maltraité finalement par Napoléon, qui, le seul de ses maréchaux, eut pour mission comme spéciale de voir son fils, de lui parler de son père, de lui démontrer, cartes en main, cette gloire militaire qui jusque-là n’était, pour l’enfant de Vienne, qu’un culte et qu’une religion. […] Il aurait dû mourir ce jour-là pour sa gloire, disent des historiens que j’estime, mais qui ne voient que le côté brillant et purement militaire de la destinée ; et peut-être bien que lui-même, à certaines heures, ulcéré dans son honneur de soldat, il aura dit comme eux.

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