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655. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Alexandre Dumas, le chef de cette École de producteurs, qui imposa un instant à l’Opinion étonnée et qui se donnait, avec une gasconnade presque splendide, pour un volcan d’idées et d’inventions à jet continu, a dû être terriblement humilié en voyant de petits jeunes gens littéraires et jusqu’à des femmes imiter sans effort son genre de génie et continuer cette plaisanterie de la grande production, qui est l’ébahissement des sots. […] L’un et l’autre sont morts l’âme déchirée pour avoir voulu s’appliquer le mot de César, qui est le mot de tant de gens, très-peu Césars d’ailleurs   : « Être le premier dans une bicoque plutôt que le second à Rome. » Ce fut le mot de Lamennais dans le genre superbe ; ce fut celui d’Eugène Sue dans le genre pittoresque, car son ambition avait ce caractère.

656. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

On sent bien qu’un tel caractère est peu favorable aux éloges ; mais les panégyristes poursuivent encore plus les rois, que souvent les rois ne sont empressés à les fuir ; il paraît même que Louis XIII en fut importuné ; peut-être même que son esprit naturel lui fit haïr de bonne heure un genre d’éloquence qui, le plus souvent, n’a rien de vrai, et qui au moins est vide d’idées ; peut-être aussi qu’un homme calme et sans passions doit mieux sentir le ridicule de ce qui est exagéré ; et c’est le vice nécessaire de tout ce qui est harangue ; peut-être enfin que tant d’éloges sur de grands événements auxquels il avait peu de part, lui rappelaient un peu trop sa faiblesse et une gloire étrangère. […] Sur l’art de négocier, et sur les intérêts politiques de l’Europe, ils conviennent qu’il montra du génie et une grande supériorité de vues : mais, dans ce genre même, ils lui reprochent une faute importante ; c’est le traité de 1635, portant partage des Pays-Bas espagnols, entre la France et la Hollande. […] Je ne connais rien de plus méprisable en ce genre que les éloges qui lui furent adressés par l’auteur du poème latin de la Callipédie.

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