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646. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Ses autres recueils offrent le même genre de richesse. […] Coppée a toujours su se garder de l’écueil du genre qu’il pratique avec tant de dextérité. […] Je n’oserais en répondre. » De même, il reconnaît la supériorité de Dickens, mais dans un genre « évidemment inférieur » (ce genre est le roman réaliste sentimental). […] Il semble bien que, pour lui, ce qui fait la valeur d’une œuvre, ce n’est pas seulement le talent de l’écrivain, mais le genre aussi auquel elle appartient, et les genres supérieurs, c’est, je suppose, l’oraison funèbre, la tragédie, le roman idéaliste. […] Au reste, ces divers genres de critique viendront en leur lieu.

647. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

» Pic de la Mirandole, le prodige lettré d’Italie, dans ses Mémoires, disait que le génie de Laurent était à la fois si énergique et si souple, qu’il paraissait avoir été formé pour triompher dans tous les genres. « Ce qui m’étonne surtout, ajoutait ce juge si compétent, c’est qu’au moment où il est le plus engagé dans les affaires de la république, il peut ramener l’entretien sur des sujets de littérature et de philosophie avec autant de liberté et de facilité que s’il était le maître de son temps comme de ses pensées. » Il écrivait des sonnets, restés classiques, et s’excusait en ces termes de se livrer à la poésie, crime illustre dont on l’accusait : « Il y a quelques personnes, dit-il, qui m’accuseront peut-être d’avoir perdu mon temps à écrire des vers et des commentaires sur des sujets amoureux, précisément lorsque j’étais plongé dans des occupations très-graves et très-multipliées. […] Persécuté comme je l’ai été dès ma jeunesse, peut-être me pardonnera-t-on d’avoir cherché quelque consolation dans ce genre de travail. » Dans la suite de ses Commentaires, il a cru devoir donner quelques détails sur sa situation particulière. […] Les Selve d’amour, autre genre de composition pastorale, ne présentent pas de moins douces images : Al dolce tempo, il bon pastor informa Lasciar le mandre, ove nel verno giaque Il luto grege che ballando in torma Torma all alte montique alle fresch aque ; L’agnel trottendo pur la materna orma Sequi ; et selum che puror ora naque L’ammoral pastor, in braccia porta : Il fido a lutti fu le scorta. […] Un autre poëme de lui, intitulé Umbra, du nom d’un ruisseau qui coule encore auprès de sa maison de campagne de Poggio à Cajano, lui fournit un autre genre de succès. […] Jeune encore, il fit briller, au milieu des ténèbres de la barbarie qui s’étaient étendues sur toute l’Italie, une simplicité de style, une pureté de langage, une versification heureuse et facile, un goût dans le choix des ornements, une abondance de sentiments et d’idées, qui firent encore une fois revivre la douceur et les grâces de Pétrarque. » Si l’on ajoute à ces témoignages respectables les considérations suivantes, que les deux grands écrivains dont on prétend établir la supériorité sur Laurent de Médicis employèrent principalement leurs talents dans un seul genre de composition, tandis qu’il exerça les siens dans une foule de genres différents ; que, dans le cours d’une longue vie consacrée aux lettres, ils eurent le loisir de corriger, de polir, de perfectionner leurs ouvrages, de manière à les mettre en état de supporter la critique la plus minutieuse, tandis que ceux de Laurent, presque tous composés à la hâte, et, pour ainsi dire, impromptu, n’eurent quelquefois pas l’avantage d’un second examen, on sera forcé de reconnaître que l’infériorité de sa réputation comme poëte ne doit pas être attribuée à la médiocrité de son génie, mais aux distractions de sa vie publique.

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