/ 2156
950. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

et quel ferment de poésie, quelle étincelle d’enthousiasme pouvait-elle garder, parmi les folies de la toute-puissance et les abjections de la foule ?

951. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Ses premiers écrits pourtant, qui datent de l’année suivante, furent des écrits d’opposition, destinés à signaler la triste inauguration de l’Église constitutionnelle et inspirés par cette faculté d’indignation en présence de l’injustice, généreuse faculté qui ne devait jamais se refroidir en lui et qu’il garda intacte jusqu’à son dernier soupir. […] « Ils étaient royalistes, mais ils étaient législateurs, et, n’appartenant à la monarchie par aucune idolâtrie d’individus, par aucune de ces habitudes qui gouvernent le vulgaire, mais par le seul regard de l’ordre et de la félicité publique, ils considéraient avant tout les besoins actuels du peuple, et, remarquant que le repos, après tant d’agitations, en était le plus pressant, … ils se seraient gardés de troubler ce calme heureux… « Ils étaient royalistes, mais ils étaient citoyens ; ils savaient qu’ils n’avaient que leurs voix dans ce vaste empire ; ils tenaient leurs systèmes les plus chers subordonnés à la volonté nationale… « Ils étaient royalistes enfin, mais, j’ose le dire, les plus prudents et les plus éclairés des royalistes ; ils avaient bien compris que, si la monarchie pouvait se rétablir jamais, ce ne serait que par le développement libre et légal de cette imposante volonté publique ; que toute secousse violente, toute tentative contraire aux lois, loin de l’accélérer, en retarderait l’inévitable cours ; et ainsi pensaient-ils que conspirer pour la royauté, c’était en effet travailler contre la royauté. […] Mme de Staël, refusée pour son projet un peu romanesque de l’Italie, n’en garda pas rancune à Camille ; mais le paroxysme de son enthousiasme diminua un peu. […] Un témoin de ce temps-là, un anonyme en qui je crois reconnaître la plume distinguée de Henri de Latouche, nous l’a présenté tel qu’il parut à la session de 1820, dans cette esquisse ressemblante et fidèle : « Si vous voyez s’avancer à la tribune d’un pas lent et réfléchi un homme de taille élevée, la figure douce et valétudinaire, les cheveux courts, poudrés et un peu crêpés ; si cet orateur promène sur l’Assemblée un œil de bienveillance et de conviction ; que son discours soit commencé d’un accent noble, assuré et modeste à la fois, recueillez-vous, gardez un religieux silence, prêtez une exclusive attention. […] il ne se blasa jamais comme tant d’autres avec les années ; l’expérience n’émoussa point sa vivacité et n’amortit point sa fraîcheur morale ; il garda jusqu’à la fin toute sa tendresse d’impressions, sa sincérité et sa candeur.

/ 2156