Pour nous, en persistant à dire qu’on le regarde comme un des plus habiles Géometres parmi ceux qui n’ont pas eu le génie de l’invention, nous avouerons de bonne foi que nous avons eu tort de le placer parmi nos bons Littérateurs. […] Evremont ne sont pas supportables, quoiqu’ils fourmillent de pensées ; tandis qu’un seul trait, un seul tour, une seule image échappée au Génie poétique, attache l’esprit, échauffe le cœur, & y laisse des impressions profondes. […] Nous ne rougirions plus alors de voir subsister parmi nous ces rivalités malignes, ces basses jalousies, ces cabales iniques, qui avilissent les talens & révoltent l’honnêteté ; on verroit s’anéantir l’esprit particulier, qui n’admet que ce qu’il approuve, qui n’approuve que ce qui le flatte ; chaque Littérateur trouveroit des amis dans les compagnons de sa carriere, & le Génie indigent n’auroit pas besoin de chercher des protecteurs, en rampant.
Tous ces beaux génies vivoient dans la douceur d’un commerce libre & philosophique ; ils s’entr’aidoient à porter le fardeau de la vie, à se consoler des sottises humaines, à conserver sur la terre cette raison saine, ce feu pur & céleste, le partage de quelques ames privilégiées. […] Mais cette simplicité même, qui va si bien avec le génie, & par laquelle les grands hommes adoucissent l’envie, ne faisoit qu’augmenter la vénération où il étoit à Rome. […] Les vers que fit Auguste sur les dernières volontés de Virgile, caractérisent bien le génie de ce prince* : Une voix inhumaine, en un fatal moment, A donc pu commander l’attentat le plus grand !