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533. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Quand il n’y a ni beautés, ni défauts dans une œuvre, qu’au lieu de médiocre, elle est nulle, quand l’artiste n’a pas su lutter avec les difficultés de son sujet et qu’il a été accablé et anéanti par elles, la critique refait à sa manière… elle devient inventive, elle crée15… » Notre époque, où manquent trop les esprits d’ensemble, dans le mépris où l’on tient les idées générales, nous donne, chaque jour, une définition nouvelle de la critique. […] De cette faiblesse, les causes se découvrent facilement : 1º Le critique s’est laissé gagner par la confusion générale des lettres. […] Inversement à l’opinion générale la vente d’un livre est en raison directe de son succès moral. […] Un de ses livres les plus complets, L’Art en silence, contient sur l’Esthétique de Stéphane Mallarmé, des pages d’une intelligence singulière, sa dernière « Étude », De Watteau à Whistler a soulevé une curiosité générale. […] Georges Polti est peut-être le seul qui garde le souci des idées générales dans la critique dramatique.

534. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

J’aimerais bien mieux remarquer au milieu de ce fracas un général tranquille, oubliant le danger qui l’environne de toutes parts, pour assurer la gloire d’une grande journée, ayant l’œil à tout, la tête fière, et donnant ses ordres sur un champ de bataille comme dans son palais. […] Je préfère cette manière ; elle demande plus de fécondité, elle fournit plus au génie, tout se déploie et se fait valoir, c’est un instant d’une action générale, c’est un poëme, les trois unités y sont ; au lieu qu’à la manière de Loutherbourg, deux ou trois objets principaux, un ou deux énormes chevaux couvrent le reste. […] Cet honnête homme, honnête, et très-honnête, fait peu de cas du genre humain, et vit beaucoup pour lui ; il est receveur général des finances, il s’appelle Randon De Boisset. […] Au bout de cinq à six mois de son installation dans la place de fermier général, lorsqu’il vit l’énorme masse d’argent qui lui revenait, il témoigna le peu de rapport qu’il y avait entre son mince travail et une aussi prodigieuse récompense ; il regarda cette richesse si subitement acquise comme un vol, et s’en expliqua sur ce ton à ses confrères, qui en haussèrent les épaules, ce qui ne l’empêcha pas de renoncer à sa place. […] On n’obtient de grandes lumières que par l’opposition des ombres, et à midi tout est brillant, tout est clair, à peine y-a-t-il de l’ombre dans la campagne, elle y est comme détruite par la vigueur des reflets, il n’en reste qu’au fond des antres, dans les cavernes où l’obscurité est redoublée par l’éclat général, faible à la lisière des forêts, il faut s’y enfoncer pour l’y trouver forte.

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