… L’expérience, le passé, les réalités qui en sortent, ces choses éternelles contre lesquelles l’homme, eût-il du génie, n’est pas le plus fort et ne le sera jamais, maintiennent et affermissent davantage dans son équilibre ce ferme esprit, — disons-le à sa gloire ! […] C’est qu’en lui, Michelet, comme dans tous les autres, l’esprit historique n’était pas assez fort pour maîtriser et gouverner l’historien. […] Et tout de même que les disciplines de guerre les plus dures sont les mieux entendues et produisent toujours les résultats les plus grands, tout de même les autres disciplines, qui produisent, dans les sociétés comme dans les armées, la solidarité, la cohésion, l’efficacité du commandement et l’ascendant moral, — la seule raison véritable qu’on puisse donner de ce mystère de la victoire, — font les peuples les plus forts et les plus glorieux. […] Ce commandement qui est comme celui de la vérité elle-même, cette espèce d’ordre qu’on ne peut pas discuter, mais qui impose, venant d’un esprit supérieur en qui on a foi comme dans un chef, a, ici, pour être obéi, la forte accentuation qui pénètre… Le colonel Ardant du Picq n’est pas qu’un écrivain militaire, ayant le style de sa chose à lui.
… Rappelez-vous cet Urbain Legeay, qui, d’un revers de plume, — mais d’une plume aiguisée pendant trente ans, — décapita, dans sa forte Histoire de Louis XI, tous les historiens qui avaient parlé de ce grand roi, plus grand qu’aucun d’eux ne l’avait dit… Il pouvait les remplacer tous ! […] Ce n’est pas leur métier d’être grandes, fortes, intrépides et sages, — au-dessus de leur sexe enfin. […] … V Eh bien, c’est contre ce malheur si cruellement immérité et tenace, c’est contre cette malchance plus forte que tout, plus forte que la bravoure, la loyauté, la vertu, la beauté, l’agrément, la gloire, c’est contre cette affreuse injustice de l’Histoire, achevant celle du sort, que Lecoy a voulu protester.