La plaisanterie a paru un peu forte. […] Un plus fort que toi te tient. […] Tolède lui produisit une très forte impression. […] Bysshe, fort beau, fort séduisant, s’était marié deux fois, et les deux fois après enlèvement. […] Taine et Renan dominent cette époque, où la poussée matérialiste est si forte.
Elle reparaît à plus forte raison si notre attention se laisse détourner, si nous cessons d’écouter, nous reprenant à suivre le cours de nos pensées ou nous laissant séduire à contempler les objets qui nous entourent. […] Notons la restriction : ou presque jamais ; elle va être expliquée par la suite du passage : « On met en question s’il peut y avoir, en cette vie, un pur acte d’intelligence dégagé de toute image sensible ; et il n’est pas incroyable que cela puisse être durant de certains moments, dans les esprits élevés à une haute contemplation, et exercés par un long temps à tenir leurs sens dans la règle ; mais cet état est fort rare. » L’allusion à certaines prétentions du mysticisme religieux est évidente, et il paraît certain que l’attention de Bossuet avait été attirée sur la parole intérieure et sur sa nécessité dans l’état normal de l’âme par l’étude des écrivains mystiques et non par la lecture des philosophes. […] Comme Bossuet et Port-Royal, Locke connaît la parole intérieure : mais il est fort indécis sur son extension : « La plupart des hommes, sinon tous, se servent de mots au lieu d’idées, lorsqu’ils méditent et raisonnent en eux-mêmes, du moins lorsque le sujet de leur méditation renferme des idées complexes » ; variante : « surtout si les idées sont fort complexes. » Et ailleurs : « Les mots enregistrent nos propres pensées pour le soulagement de notre mémoire, ce qui nous aide, pour ainsi dire, à nous parler en nous-mêmes26. » Leibnitz est encore plus concis : « Le langage étant formé, il sert à l’homme à raisonner à part soi, … par le moyen que les mots lui donnent de se souvenir de pensées abstraites… Les paroles ne sont pas moins des marques (notæ) pour nous que des signes pour les autres27. » IV. […] Le souvenir de la parole, au contraire, bien que moins vif, moins fort que la sensation elle-même lorsque nous l’entendons, n’est pas moins exact, moins précis, moins rigoureusement déterminé : deux articulations, quelque analogues qu’elles soient, ne se confondent pas plus dans le souvenir que dans la sensation. […] Mais la réflexion n’a pas le privilège d’engendrer des habitudes ; la rêverie aussi laisse après elle des tendances reproductrices ; seulement elles sont moins fortes, et surtout la réflexion seule prévoit et veut les habitudes qu’elle engendre ; la rêverie est insouciante, elle est parfois une puissance de mal, parce qu’elle ne prévoit pas ses effets.