D’ailleurs, si on dressait pour notre instruction la statistique des qualités qu’il faut au talent, cet empêché-tout, pour réussir comme la médiocrité, toujours si aisément triomphante, on trouverait peut-être que l’ennui est une force et un avantage. […] Le poète, qu’il le veuille ou non, qu’il y pense ou qu’il n’y pense pas, est un lakiste, un lakiste attardé qui mêle la description, la description éternelle à l’éjaculation lyrique, et qui malgré ses prétentions à la force, à l’expression simple et à pleine main, a parfois les gaucheries et les vulgarismes de Wordsworth sans en avoir la longue et magnifique rêverie… M. de Laprade veut être naïf ; mais on ne veut pas être naïf, on l’est quand on peut. […] M. de Laprade croit sans doute, comme beaucoup de gens, que la froideur, c’est la sagesse, la force et la vertu, et elle ne l’est pas plus qu’elle n’est la poésie.
« Je ne ferai point un lutteur, dit-il ; la Grèce compte assez d’athlètes, et je préfère la vertu à la force ; je ne ferai point un guerrier ; ce mérite est commun : des milliers d’hommes tous les ans meurent pour leur patrie ; je ne ferai aucun de vos anciens tyrans, je briserais plutôt leurs images ; je pourrais représenter quelqu’un de vos dieux : mais vous en avez en foule dans vos temples ; et pour contempler la divinité, au défaut des statues, n’avez-vous pas les cieux ? […] Sa réponse aux accusations est pleine de simplicité et de force ; il parle comme l’innocence doit parler à la calomnie, et la sagesse à la superstition. […] Penses-tu qu’une ville puisse subsister, si les jugements publics n’y ont plus de force, si tout citoyen, à son gré, peut les enfreindre ?