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622. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

» Les serviteurs les plus dévoués du régime impérial, ceux qui plus tard en ont paru les martyrs, n’étaient pas alors des derniers à céder à la force des choses. […] Sauvez la France, sauvez le pays, lui écrivait-on ; donnez, par votre adhésion, appui et force au gouvernement provisoire ; repliez-vous vers Rouen, où est Jourdan, conservez dans la Normandie une armée à la France. — Le nom de Monk, le grand médiateur, si souvent invoqué, ne manquait pas de revenir comme exemple. […] Deux considérations agissaient surtout sur l’esprit de Marmont : donner à ce gouvernement une force militaire et morale qui lui permît de compter près des Alliés, et obtenir pour Napoléon déchu des conditions meilleures. […] L’habileté, la prévision, le calcul précis, la force et la combinaison des moyens, la vigueur de l’exécution assurent le triomphe, mais il est autre chose encore que le triomphe du jour. […] Le maréchal Marmont, voué par la force des circonstances à une cause qui était celle de son devoir bien plus que de son cœur, en accepta sans murmure toutes les conséquences.

623. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Recommencer toujours à vivre, tel serait l’idéal de l’artiste : il s’agit de retrouver, par la force de la pensée réfléchie, l’inconsciente naïveté de l’enfant. » VI. — Ce qui est aux yeux de Guyau la règle suprême . de l’art, c’est cette qualité morale et sociale par excellence : la sincérité ; si donc il attache à la forme une très grande importance, il ne veut point qu’on sépare la forme du fond. […] Un des défauts caractéristiques auxquels se laisse aller celui qui vit trop exclusivement pour l’art et s’attache au culte des formes, c’est de ne plus voir et sentir avec force dans la vie que ce qui lui paraît le plus facile à représenter par l’art, « ce qui peut immédiatement se transposer dans le domaine de la fiction. » Flaubert, qui était artiste dans la mœlle des os et qui s’en piquait, a exprimé cet état d’esprit avec une précision merveilleuse : selon lui, vous êtes né pour l’art si les accidents du monde, dès qu’ils sont perçus, vous apparaissent transposés comme pour l’emploi d’une illusion à décrire, tellement que toutes les choses, y compris votre existence, ne vous semblent pas avoir d’autre utilité. Guyau répond à Flaubert qu’un être ainsi organisé échouerait au contraire dans l’art : « il faut croire en la vie pour la rendre dans toute sa force ; il faut sentir ce qu’on sent, avant de se demander le pourquoi et de chercher à utiliser sa propre existence. […] Le réalisme bien entendu en est juste le contraire, car « il consiste à emprunter aux représentations de la vie habituelle toute la force qui tient à la netteté de leurs contours, mais en les dépouillant des associations vulgaires, fatigantes et parfois repoussantes. » Le vrai réalisme consiste donc à dissocier le réel du trivial ; c’est pour cela qu’il constitue un côté de l’art si difficile : « il ne s’agit de rien moins que de trouver la poésie des choses qui nous semblent parfois les moins poétiques, simplement parce que l’émotion esthétique est usée par l’habitude. […] IX. — La théorie du style n’a guère été faite jusqu’ici qu’à un point de vue purement littéraire, ou, chez Spencer, au point de vue un peu trop mécanique de la « moindre dépense de force et d’attention ».

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