Mais la religion, dans l’acception générale, suppose une inébranlable foi, et lorsqu’on a reçu du ciel cette profonde conviction, elle suffit à la vie et la remplit toute entière ; c’est sous ce rapport que l’influence de la religion est véritablement puissante, et c’est sous ce même rapport qu’on doit la considérer comme un don aussi indépendant de soi, que la beauté, le génie, ou tout autre avantage qu’on tient de la nature, et qu’aucun effort ne peut obtenir. […] aucune action sur soi-même n’est possible en matière de foi, la pensée est indivisible, l’on ne peut en détacher une partie pour travailler sur l’autre, on espère ou l’on craint, on doute ou l’on croit, selon la nature de l’esprit et des combinaisons qu’il fait naître. Après avoir bien établi que la foi est une faculté qu’il ne dépend point de nous d’acquérir, examinons avec impartialité ce qu’elle peut pour le bonheur, et présentons d’abord ses principaux avantages. […] Je ne sais si l’on a détruit la foi religieuse du peuple en France, mais on aura bien de la peine à remplacer pour lui toutes les jouissances réelles dont cette idée lui tenait lieu ; la révolution y a suppléé, pendant quelque temps. […] On ne m’accusera point, je crois, d’avoir affaibli le tableau de l’influence de la religion, cependant je ne pense pas qu’indépendamment de l’inutilité des efforts qu’on pourrait faire à cet égard sur soi-même, on doive compter l’absorbation de la foi au rang des meilleurs moyens de bonheur pour les hommes.
Mais surtout elle l’obligea, une fois retiré à Bâle, à mettre par écrit la confession de sa nouvelle foi, arrêtée dans cet esprit avide de clarté : il rédigea en latin l’Institution chrétienne. […] Pessimiste, parce que ce qu’il veut ne se retrouve guère dans ce qu’il voit, la foi lui rend compte de la corruption humaine et du remède : elle est lumière et règle. […] Il établit la justification par la foi seule, avec le serf-arbitre et la prédestination. […] Il introduit le triple principe par où la rénovation de l’éloquence sacrée se fera : le sérieux profond de la foi, la solide connaissance des Écritures, l’exacte connaissance de l’homme. […] Et n’est-ce pas lui enfin qui, avant Bossuet, prêchait le dogme plutôt que la morale, et faisait sa principale affaire de l’enseignement de la religion, persuadé que la bonne vie procéderait de la forte foi ?