Quand on supposerait Noradin et Orosmane les plus tolérants des hommes, il n’y a pas moyen d’imaginer que dans le palais du soudan une esclave musulmane porte à son cou le signe de la foi des chrétiens. […] Voltaire, qui n’était pas Chinois, avait l’air de le croire aussi ; il aimait mieux ajouter foi aux fables des mandarins qu’au récit de Moïse. […] Madame de Pompadour, en sa qualité de Française, n’avait point ambitionné le titre de martyre de la foi conjugale ; elle avait mieux aimé être la favorite d’un roi que la femme d’un financier. […] On reconnaît là la doctrine de madame de Staël, doctrine qui se trouve assez juste quand on l’applique aux sciences exactes, mais qui, appliquée aux arts d’agrément, est une des plus dangereuses hérésies qui jamais aient attaqué la foi littéraire. […] Ce marquis va tous les jours dans la maison où demeure Mélanide, sans la reconnaître, sans en être reconnu : il y a dans tout cela de quoi exercer la foi des fidèles du Théâtre-Français.
Il avoue n’avoir qu’une admiration froide pour une femme aussi forte ; il avoue même n’avoir qu’une foi limitée dans l’impeccabilité d’une personne capable de se tirer d’une aussi scabreuse situation avec un aussi étonnant sang-froid et une aussi diabolique adresse, et qui ne se gêne pas de témoigner le plus profond, le plus parfait mépris au sot mari qu’elle éclaire à tout risque et qu’elle venge ! […] Voyez le Sganarelle de Dom Juan dans ses discussions métaphysiques avec son maître ; Molière cherche à exprimer la foi du village, la foi du charbonnier, la foi qui n’est éclairée en aucune façon : il établit dans les croyances de Sganarelle la plus singulière et cependant la plus vraie des gradations. […] Il ne lui faut point vouloir de mal de tout ce qu’il pourra vous faire ; c’est de la meilleure foi du monde qu’il vous expédiera, et il ne fera, en vous tuant, que ce qu’il a fait à sa femme et à ses enfants, et ce qu’en un besoin, il se ferait à lui-même22. […] À cette fantaisie de Dom Juan, le Pauvre résiste ; Dom Juan le presse, il résiste jusqu’au bout, et se montre, armé de sa foi, plus fort que Dom Juan. […] Cette émancipation date aussi des beaux traités de morale de Cicéron, qui a retracé et popularisé tout ce qu’il y avait d’humain dans la philosophie grecque ; elle date enfin, incontestablement, du christianisme, qui, affirmant le prix égal de toutes les âmes, fondait l’obéissance au père, comme une condition essentielle de la famille, sur la foi religieuse, et qui, la recommandant comme une obligation de la conscience, rendait l’obéissance plus libre en même temps que plus douce, et imposait au chef de famille une vue plus certaine du droit des personnes qui étaient confiées à sa tutelle encore plus que soumises à son commandement.