Que les hommes sont donc bêtes de laisser se faner dans la solitude la première fleur du rosier féminin ! […] Voilà donc où peut mener l’amour de la fleur d’oranger ! […] Il n’y a pas de moissons, il n’y a pas de fleurs, il n’y a pas de vin, il n’y a pas de bœufs et l’homme s’enfuit desséché par le soleil. […] Il n’a jamais de grands découragements, parce qu’il n’a jamais eu de trop grandes espérances ; il accommode ses pensées à la tonalité de la lumière du moment ; il ne désire que le fruit qu’il pourra cueillir, que la fleur qu’il pourra respirer, que la femme qu’il pourra aimer.
L’artiste produit de la musique, de la peinture, des vers, de la prose, absolument comme la plante produit la fleur et son fruit, par une nécessité organique. […] Le char de Dionysos est chargé de fruits et de fleurs ; sous le sceptre du dieu rampent dociles le tigre et la panthère. […] Il a beau nous rappeler que dans sa jeunesse, Wagner fut d’abord poète et qu’il ne devint musicien que plus tard ; qu’en fait, ses facultés musicales ont été en quelque sorte provoquées par ses facultés poétiques, que le musicien est né du poète, que sa musique s’exhale du poème comme le parfum s’exhale des fleurs et des feuilles d’un arbre, révélant ainsi la sève invisible qui pénètre tous les tissus et leur donne la vie et la croissance. […] Dans le chapitre où il écrit ce qu’on vient de lire, il ajoute : « Lorsque nous étions encore enfant, nous avons goûté pour la première fois le miel de beaucoup de choses ; jamais plus le miel n’a été aussi doux ; il nous incitait à la vie, à la vie la plus longue, sous les apparences du printemps, des premières fleurs, des premiers papillons, de la première amitié.