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623. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Le vrai talent a peine à se reconnaître au milieu de cette foule innombrable de livres : il parvient à la fin, sans doute, à se distinguer ; mais le goût général se gâte de plus en plus par tant de lectures insipides, et les occupations littéraires elles-mêmes doivent finir par perdre de leur considération. […] En France, la puissance du ridicule finit toujours par ramener à la simplicité ; mais dans un pays, comme l’Allemagne, où le tribunal de la société a si peu de force et si peu d’accord, il ne faut rien risquer dans le genre qui exige l’habitude la plus constante et le tact le plus fin de toutes les contenances de l’esprit. […] On ne doit pas se mettre au niveau du plus grand nombre, mais tendre au plus haut terme de perfection possible : le jugement du public est toujours, à la fin, celui des hommes les plus distingués de la nation. […] Il se trouve sans doute un résultat philosophique à la fin de ses contes ; mais l’agrément et la tournure du récit sont tels, que vous ne vous apercevez du but que lorsqu’il est atteint : ainsi qu’une excellente comédie, dont, à la réflexion, vous sentez l’effet moral, mais qui ne vous frappe d’abord au théâtre que par son intérêt et son action.

624. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Ainsi tel écrivain emploiera toutes ses ressources à rendre sensible la mer ou la montagne dans ce qu’elles ont de plus grandiose ; tel autre mettra tout son art à reproduire les fins détails d’une fleur ou d’un visage féminin, la grâce d’un arbrisseau, d’une petite rivière, d’une clairière ensoleillée, d’une maisonnette tapissée de plantes grimpantes. […] C’est dans cette catégorie que rentrent les sensations voluptueuses, toutes les variétés de la sensibilité amoureuse, qui est, suivant les gens, fine ou grossière, émoussée ou violente, etc. […] La beauté n’est pour eux qu’un moyen d’arriver plus sûrement à leurs fins. […] Qu’il s’agisse de contes de fées qui émerveillent les enfants ou d’histoires de revenants qui leur font si grand’peur, qu’il s’agisse d’hymnes religieuses essayant de percer le mystère de la tombe ou d’utopies sociales s’efforçant d’esquisser l’avenir de l’humanité, qu’il s’agisse de méditations métaphysiques sur l’origine et la fin des choses ou de poèmes paradisiaques et prophétiques, nous rencontrons là des qualités nouvelles, des élans d’imagination, des envolées dans le vaste champ du possible, voire même de l’impossible, dans le royaume des hypothèses et des chimères, en un mot de l’idéal.

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