Restent Julie, une bonne enfant, rien de plus, et M. le comte d’Ollivon, le type le plus fin et le mieux réussi, selon moi, de la comédie. […] Flasque et relâché dans sa contexture, il s’effile en pointe à la fin et lance le mot avec une prestesse qui fait illusion. […] Le trait final est joli, mais il est trop fin et trop émoussé.
On pourrait diviser les chansons de Béranger en quatre ou cinq branches : 1º L’ancienne chanson, telle qu’on la trouve avant lui chez les Collé, les Panard, les Désaugiers, la chanson gaie, bachique, épicurienne, le genre grivois, gaillard, égrillard, Le Roi d’Yvetot, La Gaudriole, Frétillon, Madame Grégoire : ce fut par où il débuta. 2º La chanson sentimentale, la romance, Le Bon Vieillard, Le Voyageur, surtout Les Hirondelles ; il a cette veine très fine et très pure par moments. 3º La chanson libérale et patriotique, qui fut et restera sa grande innovation, cette espèce de petite ode dans laquelle il eut l’art de combiner un filet de sa veine sensible avec les sentiments publics dont il se faisait l’organe ; ce genre, qui constitue la pleine originalité de Béranger et comme le milieu de son talent, renferme Le Dieu des bonnes gens, Mon âme, La Bonne Vieille, où l’inspiration sensible donne le ton ; Le Vieux Sergent, Le Vieux Drapeau, La Sainte-Alliance des peuples, etc., où c’est l’accent libéral qui domine. 4º Il y faudrait joindre une branche purement satirique, dans laquelle la veine de sensibilité n’a plus de part, et où il attaque sans réserve, avec malice, avec âcreté et amertume, ses adversaires d’alors, les ministériels, les ventrus, la race de Loyola, le pape en personne et le Vatican ; cette branche comprendrait depuis Le Ventru jusqu’aux Clefs du paradis. 5º Enfin une branche supérieure que Béranger n’a produite que dans les dernières années, et qui a été un dernier effort et comme une dernière greffe de ce talent savant, délicat et laborieux, c’est la chanson-ballade, purement poétique et philosophique, comme Les Bohémiens, ou ayant déjà une légère teinte de socialisme, comme Les Contrebandiers, Le Vieux Vagabond. […] Il protesterait dans les journaux par quelque lettre bien spirituelle, bien fine ; on n’en tiendrait compte. […] Mais en somme, dans toute cette conversation de deux heures, il a été charmant, bonhomme, piquant et fertile en idées, en jolies et fines observations.