Mais les fils de famille se trouvaient, à la mort de leurs pères, affranchis de ce despotisme domestique, et l’exerçaient à leur tour sur leurs enfants. […] Ce Brutus, qui immole à la liberté ses deux fils, espoir de sa famille ; ce Scévola qui effraie Porsenna et détermine sa retraite en brûlant la main qui n’a pu l’assassiner ; ce Manlius qui punit de mort la faute glorieuse d’un fils vainqueur ; ces Décius qui se dévouent pour sauver leurs armées ; ces Fabricius, ces Curius, qui repoussent l’or des Samnites, et les offres magnifiques du roi d’Épire ; ce Régulus enfin, qui, par respect pour la sainteté du serment, va chercher à Carthage la mort la plus cruelle ; que firent-ils pour l’avantage des infortunés plébéiens ? […] Les fils acquièrent, les femmes épargnent pour leurs pères et leurs maris ; c’est le contraire de ce qui se fait chez les modernes. — IV. […] Aristote définit les fils, des instrumens animés de leurs pères ; et jusqu’au temps où la constitution de Rome devint entièrement démocratique, les pères de famille conservèrent dans son intégrité cette monarchie domestique. Dans les premiers siècles, ils pouvaient vendre leurs fils jusqu’à trois fois.
Bachaumont était le fils d’un président à mortier au parlement de Paris, et il fut quelque temps conseiller clerc au même parlement, homme d’esprit avant tout et de plaisir, frondeur durant la Fronde, chansonnier sans prétention, et qui se convertit dans sa vieillesse. […] Il appartenait à la même bourgeoisie parlementaire, étant le fils, mais le fils naturel, d’un maître des comptes appelé L’Huillier. […] L’Huillier était un autre lui-même, s’attacha à donner à son fils la meilleure éducation ; Chapelle étudia au collège des jésuites de la rue Saint-Jacques, où il rencontra Bernier et Molière, et il introduisit auprès de Gassendi ces deux condisciples : tous trois profitèrent diversement des leçons particulières du philosophe, mais ils en restèrent marqués. […] Son père ne tarda pas à voir que ce fils n’était bon qu’à être un homme d’esprit en toute liberté, tantôt dans la bonne compagnie, tantôt dans la mauvaise.