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864. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Là-dessus quelques chiffres et anecdotes pris, entre mille, sont d’une rare éloquence115  « M. le prince de Pons avait 25 000 livres de pension des bienfaits du roi, sur quoi Sa Majesté avait bien voulu en donner 6 000 à Mlle de Marsan, sa fille, chanoinesse de Remiremont. […] Rouillé de n’avoir pas participé au traité de Vienne ; c’est pourquoi « on donne une pension de 6 000 livres à sa nièce, Mme de Castellane, et une autre de 10 000 à sa fille, Mme de Beuvron, fort riche »  « M. de Puisieux jouit d’environ 76 ou 77 000 livres de rente des bienfaits du roi ; il est vrai qu’il a un bien considérable ; mais le revenu de ce bien est incertain, étant pour la plupart en vignes. » — « On vient de donner une pension de 10 000 livres à la marquise de Lède parce qu’elle a déplu à Madame Infante et pour qu’elle se retire. » — Les plus opulents tendent la main et prennent. « On a calculé que, la semaine dernière, il y eut pour 128 000 livres de pension données à des dames de la cour, tandis que depuis deux ans on n’a pas donné la moindre pension à des officiers : 8 000 livres à la duchesse de Chevreuse dont le mari a de 4 à 500 000 livres de rente, 12 000 livres à Mme de Luynes pour qu’elle ne soit pas jalouse, 10 000 à la duchesse de Brancas, 10 000 à la duchesse douairière de Brancas, mère de la précédente, etc. » En tête de ces sangsues sont les princes du sang. « Le roi vient de donner un million cinq cent mille livres à M. le prince de Conti pour payer ses dettes, dont un million sous prétexte de le dédommager du tort qu’on lui a fait par la vente d’Orange, et 500 000 livres de grâce. » « M. le duc d’Orléans avait ci-devant 50 000 écus de pension comme pauvre et en attendant la succession de son père. […] Même de son temps, le roi s’est laissé aller à faire la fortune des amies et des amis de sa femme : à la comtesse de Polignac 400 000 francs pour payer ses dettes, 800 000 francs pour la dot de sa fille, en outre, pour elle-même, la promesse d’une terre de 35 000 livres de rente, et, pour son amant, le comte de Vaudreuil, 30 000 livres de pension ; à la princesse de Lamballe, 100 000 écus par an, tant par la charge de surintendante qu’on rétablit en sa faveur, que pour une pension à son frère136.

865. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Il a donné, depuis, son nom et son cœur à une jeune femme accomplie de beauté, d’éducation et de vertu, fille d’une famille d’élite de mon voisinage en Mâconnais. […] Voilà cependant que la jolie fille de mon concierge, enfant de douze à quatorze ans, ouvre la porte de ma chambre au premier rayon d’un mois de printemps, avant l’heure ordinaire où elle m’apportait le journal matinal ; elle jette sur mon lit en souriant une petite lettre cachetée d’un énorme sceau de cire rouge avec une empreinte d’armoiries qui devaient être illustres, car elles étaient indéchiffrables. « Pourquoi riez-vous ainsi finement, Lucy ? […] J’appris, dans une longue conversation, que cette jeune fille était une Irlandaise, d’une famille aristocratique et opulente dans l’île d’Émeraude ; qu’elle était fille unique d’une mère veuve qui la faisait voyager pour que l’univers fût son livre d’éducation, et qu’elle épelât le monde vivant et en relief sous ses yeux, au lieu d’épeler les alphabets morts des bibliothèques ; qu’elle cherchait à connaître dans toutes les nations les hommes dont le nom, prononcé par hasard à ses oreilles, avait retenti un peu plus profond que les autres noms dans son âme d’enfant ; que le mien, à tort ou à raison, était du nombre ; que j’avais parlé, à mon insu, à son imagination naissante ; qu’enfant, elle avait balbutié mes poèmes ; que, plus tard, elle avait confondu mon nom avec les belles causes perdues des nations ; que, debout sur les brèches de la société, elle avait adressé à Dieu des prières inconnues et inexaucées pour moi ; que, renversé et foulé aux pieds, elle m’avait voué des larmes.… les larmes, seule justice du cœur qu’il soit donné à une femme de rendre à ce qu’elle ne peut venger ; qu’elle était poète malgré elle ; que ses émotions coulaient de ses lèvres en rythmes mélodieux et en images colorées.

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