Enfin il se maria avec une modeste et médiocre femme, dont il eut cinq filles et deux fils. […] une mère impérieuse, un fils craintif, révolté soudain par ses passions ou ses vices, ou bien un père sacrifiant à son ambition, à sa vanité, le bonheur et toute la vie d’une fille qu’il aime pourtant, est-ce là seulement de l’« histoire ancienne » ou de la « mythologie » ? […] Et dans ces trois sujets, que de formes d’âmes nouvelles et variées : Ulysse, le politique froid, qui ne recule jamais devant les moyens, quand il a choisi le but, point insensible pourtant, mais rassuré par la conscience qu’il a de ne voir que le bien public ; Agamemnon, père tendre, faible ambitieux, qui voudrait les fruits du crime sans le crime, et qui ne peut se résoudre à sacrifier sa fille à son égoïsme, ni son égoïsme à sa fille, plus sympathique que le Félix de Corneille, parce qu’il est plus déchiré ; Clytemnestre, la « mère », qui ne connaît plus ni patrie, ni dignité, ni mari, dès que sa fille est en péril, en qui, mieux qu’en aucune amplification romantique, apparaît le sentiment primitif, animal, de la maternité ; c’est la bête défendant son petit. […] Toi dont ma mère osait se vanter d’être fille, … Soleil… Ô haine de Vénus ! […] Ariane, ma sœur, etc… La fille de Minos et de Pasiphaé… Moi-même, il m’enferma dans des cavernes sombres, Lieux profonds, et voisins de l’empire des ombres… Et tant d’autres vers, qui font que la tragédie s’élargit avec l’imagination du public, et devient apte à recevoir toutes les impressions que notre éducation archéologique et esthétique nous fait rechercher dans la représentation de l’antiquité.
Pour elle, penser à sa fille et lui écrire, c’est tout un. […] C’est ainsi que Mme de Grignan laissa copier plus d’une lettre où sa mère parlait de sa beauté comme eût fait un amant, et de l’esprit de sa fille comme on parlait du sien. […] « Je vous envoie cette relation, écrit-elle à sa fille, à cinq heures du soir. […] Les douceurs qu’elle dit à sa fille sont comme les petits mots caressants qu’on dit aux enfants ; l’imagination les suggère peut-être, mais le cœur est dessous. […] Nous voudrions que Mme de Sévigné aimât sa fille un peu plus à la façon dont nos mères nous aiment, sans ces flatteries qui paraissent trahir le besoin de louanges dans la fille, sans ces précautions de civilité en donnant des conseils, ni ces mille gentillesses, comme pour éviter d’aimer tout bonnement.