Hugo, souple, disloqué, expressif dans tous ses membres, et toutes ses figures, comme le plus savant des pantomimes, ni l’ample période rythmique aux harmonies savantes et compliquées dont le mouvement s’unit par des rapports subtils au mouvement de la phrase grammaticale. […] Son dessin précis et sec convenait mieux à l’expression des types humains, des ouvrages de l’industrie humaine, des choses enfin et des êtres qu’on peut isoler dans leur figure et leur individualité propres. […] Il y a là sans doute des mots satiriques, des mots de bourgeois de Paris qui a fréquenté chez Ninon : mais ce qui frappe et qu’on retient le plus, c’est une figure joufflue d’ecclésiastique, un intérieur de chambre confortable, une « cruche au large ventre » que se passent de main en main des chanoines attablés, toute une série de types et de scènes, que le crayon ou le pinceau exprimeraient plus facilement que la plume.
La femme n’a pas de place en son histoire : les pâles figures d’impératrices ou de princesses, qu’il nous fait entrevoir un moment, ne viennent que pour servir aux trafics de la politique ; leurs personnes sont des moyens qui procurent des alliances ou des fiefs. […] Les évangiles apocryphes furent préférés à la Bible et à l’Evangile ; les saints romains, gallo-romains, ou français, avec leurs maigres légendes et leurs figures presque réelles, ne soutinrent pas la concurrence des saints grecs, orientaux, celtiques, saints fantastiques, prestigieux, qui souvent n’avaient pas vécu, ou qui n’avaient jamais reçu le baptême que de l’affection populaire. […] Tel qu’il est, dans ses deux parues mal équilibrées et fort inégales, l’une consacrée aux vertus, et l’autre aux « chevaleries » de saint Louis, dans son abondance désordonnée, avec son incohérence, ses redites et ses digressions, ce livre de bonne foi tire sa force de séduction des deux figures qui l’emplissent et s’y opposent : celle du roi et celle du sénéchal de Champagne.