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1030. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Ce fut la dernière figure tout à fait en vue de vieille femme et de grande dame imposante dans l’ancienne société ; nous n’avons pas à y revenir. — Il y avait encore la marquise de Boufflers, la digne mère du léger et spirituel chevalier, l’amie du bon roi Stanislas et qui faisait les beaux jours de la petite Cour de Luné-ville à l’époque où Mme du Châtelet et Voltaire y étaient invités. […] — La comtesse de Boufflers, qu’on a souvent confondue avec la précédente, et qui, sans qu’on veuille en rien faire tort à celle-ci, lui était, au dire de bons témoins, « supérieure en figure, en agréments, en esprit et en raison  » ; qui avait aussi, il faut en convenir, plus de prétentions qu’elle au bel esprit et à l’influence, a pour qualité distinctive d’avoir été l’amie du prince de Conti, celle de Hume l’historien, de Jean-Jacques, du roi de Suède Gustave III ; elle est perpétuellement désignée dans la Correspondance de Mme du Deffand sous le nom de l’Idole : le prince de Conti ayant dans sa juridiction le Temple en qualité de grand-prieur, la dame favorite qui y venait, qui même y logeait et y avait son jardin et son hôtel attenant, s’appelait tout naturellement l’Idole du Temple ou, par abréviation, l’Idole.

1031. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Saint-René Taillandier, excité par tant de souvenirs et placé aux sources de la meilleure information, nous devait cette figure de la comtesse d’Albany. […] Je ne suis pas de ceux qui veulent à tout prix des mensonges, ni qu’on leur crée des existences fabuleuses et plus belles qu’elles ne l’ont été de leur temps ; mais quand je rencontre quelque part, dans un passé encore voisin de nous et si aisé à vérifier, de ces vies paisibles, ornées, décorées de grâce et de courtoisie, et jalouses d’en répandre le reflet autour d’elles ; quand, au milieu de cet envahissement comme forcené d’ambition, d’activité et d’industrie qui nous pousse et nous déborde en tout genre, je découvre, en me retournant, une île enviable et fortunée, une oasis d’art, de littérature, d’affection et de poésie, je demande qu’on n’en diminue pas le tableau à mes yeux sans de bonnes et fortes raisons, et que ceux qui sont dignes d’apprécier ce cercle heureux et de le peindre nous le rendent, ainsi que la noble figure qui y préside, avec tout le charme qui s’y attachait réellement, et dans un miroir non terni, dans une glace pure, unie et fidèle.

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