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341. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Boileau ne se tint pas ; Racine avait beau lui faire des signes, le prétendu bailli prenait feu et allait se déceler dans sa candeur. […] Ce chef-d’œuvre de satire est celle qu’il adresse à son Esprit, sujet favori encore, toujours le même, rimes, métier d’auteur, portrait de sa propre verve ; il s’y peint tout entier avec plus de développement que jamais, avec un feu qui grave merveilleusement sa figure, et qui fait de lui dans l’avenir le type vivant du critique. […] Il était plein de bons mots, de reparties et de franchise ; il parlait avec feu, mais seulement dans les sujets qui lui tenaient à cœur, c’est-à-dire sur les matières littéraires.

342. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Partagé jusqu’à la fin entre des fonctions graves et le goût des lettres, dispersé avec originalité dans des études diverses, il n’a jamais donné à aucun de ses ouvrages ce feu continu, cette fusion égale, ce poli qui fait l’éclat ; avec des idées de tout genre, des vues vastes, des saillies pénétrantes, et une masse de connaissances précises, il n’a jamais eu la mise en œuvre et la mise en valeur, ce soin de la forme et de l’achèvement par où le talent s’accommode avec bonheur au goût de la société présente, et la ravit ou la domine en s’en rapprochant. […] Quand de Brosses visita le Vatican, il y trouva les élèves de notre Académie de peinture occupés à copier les tableaux de Raphaël, et il n’en fut point satisfait du tout : leur dessin lui parut correct, le contour exact : « Mais on n’y retrouve plus, disait-il, ce feu ni ce trait hardi des originaux. […] Dante, au contraire, lui est pénible et difficile ; il le trouve d’un sublime dur : « Il me paraît plein de gravité, d’énergie et d’images fortes, mais profondément tristes ; aussi je n’en lis guère, car il me rend l’âme toute sombre. » Le Moyen Âge répugne à de Brosses ; il lui refuse le nom d’antiquité ; il visite au retour, à la bibliothèque de Modène, le docte Muratori, avec ses quatre cheveux blancs et sa tête chauve, travaillant malgré le froid extrême, sans feu et nu-tête, dans cette galerie glaciale, au milieu d’un tas d’antiquités ou plutôt de vieilleries italiennes : « Car, en vérité, dit-il, je ne puis me résoudre à donner le nom d’antiquités à tout ce qui concerne ces vilains siècles d’ignorance… Sainte-Palaye, au contraire, s’extasiait de voir ensemble tant de paperasses du xe  siècle. » — Tous ces jugements se tiennent, on le sent, et s’accordent soit en littérature, soit en peinture ou en musique ; et celui qui aime tant l’Arioste pourra se déclarer de la sorte en faveur de Pergolèse : Parmi tous ces musiciens, mon auteur d’affection est Pergolèse.

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