Nous lûmes presque toute la Bible et presque tout Tertullien, l’Histoire de France de La Serre (ou plutôt de Jean de Serres) et de Davila ; nous traduisîmes le traité de Tertullien, De l’habillement des femmes ; nous lûmes Virgile, Horace, Tacite, et la plupart des autres auteurs classiques, dont nous fîmes des extraits que j’ai encore. […] Quand il fut dans la grande allée, je lui dis : « Vous ne croiriez pas, monsieur, le respect que tout le monde, jusqu’au plus petit bourgeois, a pour ce jardin ; non seulement les femmes et les petits enfants ne s’avisent jamais de cueillir aucune fleur, mais même d’y toucher. […] Lorsque Boileau eut fait son amère satire contre Les Femmes, Perrault, mieux avisé, se constitua leur vengeur et publia une pièce de vers avec préface, intitulée L’Apologie des femmes (1694). […] Le vieil Arnauld, ou, comme on disait, le grand Arnauld, alors réfugié à Bruxelles, et âgé de quatre-vingt-deux ans, s’émut beaucoup de cette querelle sur les femmes entre son ami Boileau et Perrault, qui était le frère d’un de ses amis. […] Comme Perrault lui avait envoyé son Apologie des femmes, Arnauld se crut obligé de lui répondre par une longue lettre où il étalait ses arguments et ses raisons, et que la personne qu’il en avait chargée ne jugea point à propos de remettre, de peur d’aigrir encore plus les disputants que le vieux docteur voulait chrétiennement réconcilier.
J’en parlerai donc à ce point de vue, sans exagérer le côté fleuri, sans m’enfoncer dans les parties déjà raffinées de doctrine ; j’en parlerai comme d’un livre qui, sur la table d’une femme comme il faut ou d’un gentilhomme poli de ce temps-là, ne chassait pas absolument le volume de Montaigne, et attendait, sans le fuir, le volume de d’Urfé. […] Il dit aux honnêtes femmes qui se plaisent aux coquetteries et aux légères attaques : « Quiconque vient louer votre beauté et votre grâce vous doit être suspect : car quiconque loue une marchandise qu’il ne peut acheter, il est pour l’ordinaire grandement tenté de la dérober. » On voit que, s’il n’interdit point absolument le bal et la danse, ce n’est point par relâchement. Une de ses pensées encore, et qui est comme la conclusion qu’un lecteur du monde pouvait tirer de son livre, c’est que « l’homme, sans la dévotion, est un animal sévère, âpre et rude » ; et, sans la dévotion, « la femme est grandement fragile et sujette à déchoir ou ternir en la vertu ». […] Son premier ouvrage resta seul dans la main des hommes, et surtout des femmes, comme le bréviaire des gens du monde. […] Ceux qui ont pu se permettre quelque vaine et froide raillerie sur la liaison du saint évêque et de cette forte et vertueuse femme, n’avaient pas lu, j’aime à le croire, cette pièce qui est la 121e des Lettres de Mme de Chantal35.