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1486. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Un poème héroï-comique nous présente, par exemple, un vaillant chevalier qui part en guerre, affublé d’une armure rouillée, armé d’une gaule à abattre les noix, monté sur une vieille jument, vénérable aïeule de Rossinante ; il est le digne fils d’un père qui n’avait pas son égal pour transpercer les limaces et les papillons ; il a pour adversaire une vieille femme et il est battu. […] Il est le contemporain des précieuses, qui aiment sans doute la galanterie, mais qui tiennent pour l’amour platonique, qui poussent la pudeur jusqu’à la pruderie, qui proclament, comme Armande dans Les femmes savantes, la suprématie de l’esprit sur la matière, de la raison sur la partie animale. […] Quant aux autres femmes que le roi a aimées, elles rachètent leur grandeur Ces surprises des sens que la raison surmonte… Et sur mes passions ma raison souveraine… Ma raison, il est vrai, dompte mes sentiments… éphémère et leurs éclatants péchés par une pieuse expiation. […] On n’a pas oublié la fièvre de maternité qui fit éruption dans le beau monde de Paris, quand Rousseau eut dénoncé comme de mauvaises mères les femmes qui livraient leurs enfants à des nourrices ; jusque dans les couloirs de l’Opéra, on put rencontrer des enfants à la mamelle que leurs jeunes et pimpantes mamans venaient allaiter durant les entr’actes.

1487. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Convenez, Lecteur impartial, que jamais les ennemis de notre Nation n’en ont parlé avec ce délire méprisant, & que les François qui honorent la Philosophie ressemblent au moins un peu à la femme de Sganarelle, qui aimoit à être battue. […] Il en est de même de nos Philosophes : ils se croient les Etres les plus importans de ce globe ; la gloire de la Nation Françoise est perdue, depuis mes attentats sur leur réputation ; depuis que le Fabricateur des Bijoux indiscrets, l’Auteur de Bélisaire, le Compositeur de l’Essai sur les femmes, le Chantre des Saisons, &c. ont été relégués dans la classe qui leur convient, il n’existe plus dans l’Europe aucun souvenir des chef-d’œuvres des Grands Hommes qui ont illustré le génie François ; nous n’avons plus à vanter à l’Etranger, des Descartes, des Mallebranche, des Bossuet, des Fénélon, des Bourdaloue, des Massillon, des d’Aguesseau, des Cochin, des Corneille, des Racine, des Moliere, des Vertot, des Pascal, des la Bruyere, des Montesquieu, des Lafontaine, des Despréaux, &c. […] De jeunes gens sans expérience, qui courent après la licence & la nouveauté ; de femmes frivoles, toujours dupes du faux Bel-Esprit qui les flatte, de femmes pédantes, rauques, surannées, abusées par une vanité pitoyable, ou séduites par de basses adulations ; de jeunes Littérateurs intéressés à l’anéantissement du goût, parce qu’ils n’en auront jamais, à l’abolition des regles, parce qu’ils sont incapables de les observer ; de Lecteurs destinés à grossir la foule & à recevoir le joug du charlatanisme ; de Prôneurs à gages, qui loueroient les antagonistes, pour peu qu’ils eussent intérêt de les louer.

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