Le sectaire et l’écrivain sont un seul homme, et on va retrouver les facultés du sectaire dans le talent de l’écrivain. […] L’esprit systématique et lyrique se peint dans le pamphlet comme dans le poëme ; la faculté d’embrasser des ensembles et d’en être ébranlé restes égale en Milton dans ses deux carrières, et vous allez voir dans le Paradis et dans le Comus ce que vous avez rencontré dans le Traité de la Réforme et dans les Remarques sur l’Opposant. […] Ce n’était point par scrupule, mais par nature ; son besoin et sa faculté dominante le portaient aux conceptions nobles. […] Cette nuit, par exemple, la pauvrette a fait un mauvais rêve, et Adam, en bonnet carré, lui administre cette docte potion psychologique508 : « Sache que dans l’âme il y a beaucoup de facultés inférieures qui servent la Raison comme leur souveraine.
Je le définirai encore mieux en l’opposant, non pour lui donner le dessous, à cette audace d’invention qui, dans la philosophie, pousse Descartes à vouloir pénétrer le secret du monde moral ; dans la physique, à toucher du doigt la molécule ; qui, dans la logique, fait raisonner Pascal avec Dieu ; dans la politique, inspire à Platon sa république, à Fénelon sa ville de Salente ; dans la métaphysique suggère à Aristote l’idée de compter nos facultés et de parquer nos idées dans des catégories, ou fait imaginer à Leibnitz l’harmonie préétablie. […] Là, nul système, nul écart, nul transport ; en toutes choses, un esprit aussi prudent et circonspect à induire que hardi dans l’expression des choses évidentes ; déterminant avec rigueur, dans les opérations de l’intelligence, le rôle de la raison et de l’imagination ; traitant celle-ci en suspecte ; lui interdisant de décider ; réduisant son bon usage à rendre l’esprit attentif ; déclarant que, comme elle suit simplement le sens, elle ne peut avoir la connaissance et le discernement du vrai et du faux, et que, « s’il est clair que, pour faire un habile homme, il faut de l’imagination et de l’esprit, dans ce tempérament il faut que l’intelligence et le raisonnement prévalent. » Ce livre lui-même est le plus bel exemple de la part qu’il faut faire à l’imagination et à l’entendement dans les ouvrages de l’esprit, si l’on veut « que la raison préside toujours. » On a fait depuis, on avait fait auparavant, on fera encore une autre métaphysique, une autre logique ; on ajoutera au nombre et aux noms des facultés ; mais tout esprit assez sage pour se contenter, dans l’ignorance où nous serons éternellement des causes, de la connaissance claire et exacte des effets, trouvera dans le traité de Bossuet de quoi se mettre en paix. Tous les effets, et j’entends par là toutes les opérations de l’entendement, avec ou sans l’intervention des sens, tous les mouvements des passions, toutes les causes d’erreur, y sont distingués et décrits avec une profondeur d’analyse et une netteté d’expression qui valent mieux que l’invention d’un système de plus, ou que la découverte contestable d’une nouvelle faculté. […] C’est l’image de cette lutte intérieure de nos facultés, dont parle Bossuet dans le traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même.