Si le poète a choisi un sujet dont l’avant-scène ne soit pas trop compliquée, l’exposition en sera plus facile et plus claire. […] J’avoue qu’il est quelquefois bien agréable sur le théâtre de voir un homme seul ouvrir le fond de son âme, de l’entendre parler hardiment de toutes ses plus secrètes pensées, expliquer tous ses sentiments, et dire tout ce que la violence de sa passion lui suggère ; mais il n’est pas toujours bien facile de le lui faire faire avec vraisemblance. […] Cette faute de faire dire ce qui arrivera, par un acteur qui parle seul et qu’on introduit sans raison, était très commune sur les théâtres grecs et latins : ils avaient cet usage, parce qu’il est facile.
De la Coupe enchantée je ne vous dirai rien, parce qu’elle est en prose, en prose facile, brillante, fleurie même quelquefois, mais en prose seulement, et comme nous avons si peu de leçons à consacrer à La Fontaine, ce n’est pas sur une comédie en prose de La Fontaine que nous allons insister. […] Un auteur n’est que trop facile à s’engouer. […] C’est au dix-huitième siècle que le théâtre proprement gai, le théâtre fait pour s’amuser, le théâtre de bouffonnerie décente, de bouffonnerie honnête, mais enfin de bouffonnerie facile et joyeuse, a eu du succès ; au siècle précédent il n’a jamais pleinement réussi.