Pourtant, une telle façon de procéder, qui nous assimilerait au rôle de machine, rendrait prodigieusement lourd tout fardeau à soulever. […] En outre, un style qui, au lieu d’être simplement clair et impersonnel comme serait bien un filet d’eau, reflète une physionomie, nous fait comprendre et finalement partager (en une certaine mesure tout au moins) la façon de voir et d’interpréter les choses propre à un auteur ; un tel style nous rapproche de l’auteur par cela même, nous amène à vivre de sa vie pendant quelques instants, et de la remplit sorte, au plus haut point, le rôle social attribué au langage. […] » Flaubert dit encore ailleurs : « Tout ce qui était beau, le scintillement des étoiles, certains airs de musique, l’allure d’une phrase, un contour, l’amenaient à sa pensée d’une façon brusque et insensible260. » Parmi les procédés chers aux modernes, les « transpositions » méritent examen, précisément parce que ce sont des effets d’induction sympathique. […] C’est donc une même loi d’évolution qui rend aujourd’hui notre prose tantôt scientifique, tantôt poétique ; c’est la recherche de l’expression intellectuelle ou sympathique qui nous fait traduire le plus fidèlement possible tantôt l’idée abstraite et tantôt le sentiment, tantôt les systématisations de pensée et tantôt les systématisations d’émotion. « Quand, disait Flaubert, on sait frapper avec un mot, un seul mot, posé d’une certaine façon, comme on frapperait avec une arme, on est un vrai prosateur », et aussi un vrai poète.
À propos du second acte et de cette scène parfaite entre Raymond et Olivier chez Mme de Vernières, il a été remarqué, et par les juges les moins soupçonnés d’être complaisants, qu’il y avait là une leçon en même temps qu’une définition, une leçon donnée sur place, au cœur du camp ennemi, de la façon la plus insultante, la plus neuve et qui se retient le mieux.