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528. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Jamais le sentiment mystérieux de l’âme des choses et de la vertu matinale de la nature, jamais la poétique et sauvage jouissance qu’elle fait éprouver à qui s’y replonge et s’y abandonne éperdument, n’a été exprimé chez nous avec une telle âpreté de saveur, avec un tel grandiose et une précision si parfaite d’images. […] C’est peu de dire que Mlle de Guérin est chrétienne, elle l’est comme aux temps de la foi la plus fervente et la plus austère ; elle désire que son frère l’ait été aussi ; elle sent bien que c’est une grande et profonde infidélité à l’humble foi primitive que de poursuivre comme il l’a fait et d’embrasser aveuglément la vague nature en elle-même, et d’adorer le dieu Pan, ce plus redoutable des adversaires, le seul peut-être tout à fait dangereux ; mais elle espère, elle a confiance dans les paroles et les sentiments suprêmes qu’elle lui a vus à l’heure qui pour elle est tout, à cette heure qui sonne l’éternité : « Ma plus grande consolation, dit-elle en écrivant à un ami de son frère, je la trouve dans sa mort pieuse, dans ces sentiments primitifs de foi exprimés en prières, et dans la réception des derniers sacrements, dans cet ardent et dernier baiser au crucifix. […] Le succès du fragment publié par la Revue des deux mondes l’avait avertie qu’il y avait pour Maurice un groupe fidèle, un public d’élite tout préparé : Ne soyez pas en peine pour le cours de notre poète, écrivait-elle à quelqu’un qui lui exprimait quelques doutes ; son lit est creusé dans les pentes où coulent les fleuves d’or, et il n’a qu’à jaillir.

529. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

M. de Chateaubriand, qui, ce jour-là, était d’humeur communicative, s’exprima en maître sur cette partie délicate, et suprême. […] Vous avez eu cette idée singulière, et vous osez l’exprimer comme vous l’avez eue ; non qu’elle soit belle et gracieuse, cette image de la guillotine sur un joli cou ; elle est affreuse, elle est laide (entendez-vous bien) et horrible, cette idée-là ; mais elle est dramatique, vraiment shakespearienne, et elle jaillissait assez naturellement, hélas ! […] L’étonnement des élèves parut grand ; mais il ne fut exprimé que sur la physionomie de chacun… Maurice était sujet à des colères très vives, mais qui duraient peu ; il avait d’ailleurs du tact, et, en cette occasion, il sentit la nécessité de justifier par quelques paroles la hardiesse de la sortie qu’il venait de faire, « Belle invention vraiment, dit-il en continuant de peindre, que de prendre Jésus-Christ pour sujet de plaisanterie !

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