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915. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

C’est la société qui trace à l’individu le programme de son existence quotidienne. […] Mais leur ensemble, je veux dire l’habitude de contracter ces habitudes, étant à la base même des sociétés et conditionnant leur existence, aura une force comparable à celle de l’instinct, et comme intensité et comme régularité. […] Ils n’ont pas besoin d’exhorter ; ils n’ont qu’à exister ; leur existence est un appel. […] Consultons-nous sur ce point ; posons-nous la fameuse question : « que ferions-nous si nous apprenions que pour le salut du peuple, pour l’existence même de l’humanité, il y a quelque part un homme, un innocent, qui est condamné à subir des tortures éternelles ?  […] Nous y consentirions peut-être s’il était entendu qu’un philtre magique nous le fera oublier, et que nous n’en saurons jamais plus rien ; mais s’il fallait le savoir, y penser, nous dire que cet homme est soumis à des supplices atroces pour que nous puissions exister, que c’est là une condition fondamentale de l’existence en général, ah non !

916. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Indifférent au fond, comme sa vie entière l’a prouvé, à la royauté, à la république, à la cause des rois, à la forme des institutions des peuples, au droit ou au fait des gouvernements, les gouvernements n’étaient, à ses yeux, que des formes mobiles que prend tour à tour l’esprit du temps ou le génie national des sociétés, pour accomplir telle ou telle phase de leur existence. […] Mais que M. de Talleyrand ait suggéré l’enlèvement, contre le droit des nations, d’un prince de la maison de Bourbon, dont il ne connaissait pas même le nom et l’existence à Ettenheim ; qu’il ait fait plus, qu’il ait conseillé au premier consul le meurtre, sans phrase et sans sursis, de cette victime de la précipitation et de l’ambition : voilà la calomnie. […] J’ai été le Napoléon de la paix ; il n’y a pas une existence en Europe qui ne me doive une indulgence ou une bénédiction : j’ai été l’instrument de la Providence pour épargner le sang d’une génération ! 

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