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1509. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Il a toujours ride cette impétuosité d’assurance « d’un siècle où l’on ne doute de rien, hors de l’existence de Dieu. » Même dans ses œuvres d’imagination il poursuit son ennemi. […] Une seule fois dans tous ses ouvrages la question de l’existence du mal sur la terre s’est posée (Désespoir, Méditations, I). […] Il s’attarde à nous peindre une société qui n’est ni bonne ni mauvaise, où les sentiments tendres et purs, amour loyal et fidèle, amour maternel, etc., occupent même la plus grande place, où jusqu’aux mauvais instincts ne sont que les nécessités d’existence de la petite société primitive, de la tribu errante, en péril et toujours sur la défensive. […] Cet ange déchu, c’est l’homme lui-même, l’humanité considérée comme un seul homme qui marche et s’épure sans cesse ; et ses morts et ses existences successives sont les phases par où passe le genre humain. […] Que sur toute existence et toute créature, Vivant du souffle humain ou du souffle animal, Debout au seuil du bien, croulante au bord du mal, Tendre ou farouche, immonde ou splendide, humble ou grande, La vaste paix des cieux de toutes parts descende !

1510. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

. — Voilà une des plus grandes forces historiques, et elle est d’autant plus efficace que chaque peuple, par la sélection qu’il pratique sur lui-même, travaille incessamment à l’augmenter, en refusant l’existence ou le développement aux individus dont le caractère s’accorde pas avec le sien. […] A présent, dans un ordre quelconque d’existence, prenez des choses homogènes, toutes semblables les unes aux autres, et supposez qu’en un point seulement, par une cause ou par une autre, une différence, aussi légère qu’on voudra, s’introduise, et qu’une des portions du tout cesse d’être absolument semblable aux autres portions. […] Sans doute les figures qu’on produit ainsi sont moins corporelles et moins visibles ; elles n’ont pas la complexité, la profondeur et le relief des choses vivantes ; ce ne sont pas, selon le mot de Balzac, « de nouveaux êtres ajoutés à l’état civil » ; on ne parle pas d’elles en conversation comme de personnages que l’on a fréquentés et avec qui l’on est en commerce intime ; elles n’ont pas cette intensité d’existence qui égale ou même dépasse l’existence réelle, mais elles sont d’un autre monde, plus aérien, plus lumineux, celui du désir et du rêve ; et elles ont le degré et le genre de solidité que comporte ce monde supérieur. […] s’il ne fallait qu’étendre le bras et prononcer un oui ou un non pour sauver ou créer un homme, acquérir ou perdre une brillante réputation, prolonger ou terminer mon insupportable existence, je crois, ma foi, que je ne bougerais rien plus qu’un chien de faïence.

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