Quelques-uns essayent d’arrêter cette progression aux questions métaphysiques et spéculatives, comme ils les appellent, et voudraient sauver la morale ; mais c’est une contradiction, et d’après l’échelle précédente on sera forcé de dire que celui qui nie la morale est plus libre penseur que celui qui l’affirme ; par la même raison, celui qui nie tout principe en politique sera plus libre penseur que celui qui en reconnaît quelques-uns, par exemple la liberté et la justice. […] La liberté de penser, prise en soi, n’a donc rien de contraire à la foi, et les croyants eux-mêmes sont forcés d’y avoir recours quand ils essayent de démontrer la religion. […] Si d’ailleurs il y avait lieu d’espérer que l’on pût par quelque moyen empêcher les hommes de penser de telle ou telle manière, s’il y avait quelque procédé sûr de maintenir les esprits dans cet état d’obéissance que l’on regarde comme si souhaitable, je comprendrais à la rigueur qu’on l’essayât ; mais depuis que le flot du libre examen a fait irruption dans la science, dans la société, dans la religion, il a marché sans cesse de progrès en progrès : il a pénétré de couche en couche dans toutes les classes, il a gagné les contrées les plus rebelles à sa puissance ; il n’existe aucune force capable de le contenir et de le refouler ; les pouvoirs qui commencent par marcher contre lui se voient ensuite contraints de marcher avec lui.
Qu’on essaye d’isoler lesphénomènes nombreux dont se compose la vie d’un animal un peu élevé dans l’échelle, un seul d’entre eux supprimé, la vie disparaît. » C’est bien là, en effet, la plus grande objection que l’on puisse faire contre l’expérimentation physiologique. […] J’avoue que cette notion est tout à fait vide de contenu quand nous essayons de la concevoir hors des phénomènes qui la manifestent : ce n’est pas cependant un pur rien, car c’est l’idée d’une activité qui dure, tandis que les phénomènes paraissent et disparaissent continuellement : c’est aussi l’idée d’une activité identique dans son essence, tandis que les phénomènes changent sans cesse ; c’est enfin l’idée d’une activité productrice, tandis que les phénomènes ne sont que des apparences produites. […] Claude Bernard essaye de les concilier en distinguant le fatalisme du déterminisme.