Mürger n’était pas de ces esprits puissants qui trouvent une forme toute faite dans l’originalité de leur génie ou se travaillent de leurs mains robustes pour s’en faire une… Lui moins qu’un autre ne pouvait se passer de cette éducation première dont le génie se passe si bien et n’en est que plus fier ! […] S’il redevient obscur, il n’aura pas du moins vécu obscur… La Vie de Bohême, quand elle parut, cette suite de pochades écrites en un style qui est plus de l’argot que du français, sur des tables de brasserie et de café, entre beaucoup de pipes et de petits verres, parut une délicieuse fantaisie à beaucoup d’esprits et même à la Critique, qui devait pourtant s’y connaître. […] Mais la verve, qui est le mouvement de l’esprit, et qui donne chaud comme tout mouvement, est une qualité, sans doute, mais la dernière qualité du talent. […] Tout le monde sait maintenant, et on pourrait les nommer, de quels excellents camarades, vivant dans le plus insouciant communisme de l’esprit, était composé M.
L’Italie qu’il aime et qu’il a longtemps habitée ne l’a pas pénétré de son génie ; elle ne lui a pas doré l’esprit de son rayon. […] Intellectuellement, l’auteur des Amours d’Italie ne s’est pas italianisé… Sa nature forte, mais épaisse, a résisté et ne s’est pas fondue à l’air transparent que ne respirèrent jamais impunément, même les Barbares… Il a été moins heureux que Beyle, Beyle l’esprit sec et cruellement positif, le Voltairien, l’Américain, l’anti-poétique, et dont cette magicienne d’Italie avait fini par faire… l’auteur de La Chartreuse de Parme, avec le droit d’écrire sur son tombeau : Ci-gît Henri Beyle, le Milanais. […] Excepté deux histoires, parmi ces histoires, et surtout une, qui me paraît un vrai chef-d’œuvre, dû à mieux et à plus que du talent, c’est-à-dire à des circonstances d’esprit très-particulières et sur lesquelles je vais revenir, il n’y a rien dans ces Amours d’Italie qui puisse classer grandement leur auteur. […] C’est un esprit de bon sens, mais de gros sens ; de main rude, de force réelle, mais commune, qui a du tempérament et quelquefois de la chaleur, mais sans aucune délicatesse, sans aucune nuance et sans aucune imagination dans le style, ce Boccace à revers… Ah !