Eh bien, c’est cette force des choses, avec laquelle on tend nécessairement à amnistier les fautes et les crimes, c’est cette épouvantable erreur, cachée sous un nom imposant qui fait baisser le front aux niais, contre laquelle Cassagnac a relevé le sien avec une noble intelligence quand il nous a donné, dans son livre, l’histoire des hommes individuels pour couronner l’histoire des faits généraux ! […] Grâce à Dieu, l’auteur de l’Histoire des Causes a senti que de telles manières de procéder n’étaient que des méthodes d’erreur pour soi et de mensonge pour les autres. […] Cependant, c’était une erreur. […] Après Février et l’élan démocratique donné aux esprits par l’établissement d’une république, Cassagnac est un des premiers qui aient retrouvé la véritable intelligence de l’Histoire sur une époque formidable qui n’a pas encore jeté son arrière-faix d’erreurs et de crimes sur le monde. […] Quand la moitié du monde connu croit à la nécessité et à la justice de la Révolution française, avoir prouvé qu’elle n’est, comme l’arianisme, comme le manichéisme, et tant d’autres erreurs qui ont eu leur jour et leur règne, qu’une erreur, qui doit peut-être, comme le disait Mirabeau dans l’ivresse de son orgueilleuse parole, faire le tour du globe, mais pour passer et non pour s’établir ; avoir montré, de plus, après le vice radical du principe, les vices radicaux de ses apôtres : erreur partout, excès et crimes inutiles, — car les crimes et les excès sont toujours inutiles, et Machiavel n’est qu’un menteur ; — c’est avoir commencé à tracer la ligne que d’autres esprits creusent, à l’exemple de l’auteur de l’Histoire des Causes, et devant laquelle le génie révolutionnaire de l’avenir doit nécessairement reculer.
Ainsi le quatriéme devient un sophisme sensible, et le cinquiéme contient une conclusion dont la fausseté souleve ceux-là mêmes qui ne sont point capables de faire l’analyse du raisonnement, et de remonter jusqu’à la source de l’erreur. […] Combien l’expérience a-t-elle découvert d’erreurs dans les raisonnemens philosophiques qui étoient tenus dans les siecles passez pour des raisonnemens solides ? […] Comme nous reprochons aujourd’hui aux anciens d’avoir cru l’horreur du vuide et l’influence des astres, nos petits neveux nous reprocheront un jour de semblables erreurs, que le raisonnement entreprendroit en vain de démêler, mais que l’expérience et le temps sçauront bien mettre en évidence. […] La discussion seroit encore aussi sujette à erreur, qu’elle seroit fatiguante pour l’écrivain et dégoutante pour le lecteur.