D’ailleurs, la naissance du christianisme dans ces climats, le renouvellement du platonisme, l’école d’Alexandrie, le choc des deux religions, le zèle ardent des païens pour attaquer, le zèle des chrétiens pour se défendre, tout dans l’Orient contribuait à entretenir la culture et le goût ; des évêques étudiaient Homère ; des saints se nourrissaient d’Aristophane ; Platon était presque aussi souvent cité qu’un Père de l’église : c’était un arsenal ennemi où le christianisme venait s’armer, et l’on combattait les fables et la mythologie des Grecs avec l’éloquence des Grecs mêmes. […] Il est étonné que son héros, avec si peu de forces, ait tenté une guerre si importante : « Assurément, lui dit-il, vous avez quelque intelligence secrète avec l’âme universelle et divine, qui daigne se manifester à vous seul, tandis que nous, ce sont des dieux subalternes et du second ordre qui sont chargés de nous conduire. » Ensuite il ne peut comprendre qu’il se soit trouvé dans l’univers des hommes qui aient eu l’audace de résister à Constantin : « Eux qui auraient dû, lui dit-il, céder, je ne dis pas à la présence de votre divinité, mais en entendant seulement prononcer votre nom. » Bientôt après, ce lâche orateur fait un crime à son héros d’avoir combattu lui-même, et de s’être mêlé au milieu des ennemis, d’avoir par là, dit-il, presque causé la ruine de l’univers.
Il faut écouter le profond soupir de joie haineuse avec lequel il contemple ses ennemis sous ses pieds. « Tous les whigs étaient ravis de me voir ; ils se noient et voudraient s’accrocher à moi comme à une branche ; leurs grands me faisaient tous gauchement des apologies. […] Avant de partir d’ici, je les ferai repentir de leur conduite… J’ai gagné vingt ennemis pour deux amis, mais au moins j’ai eu ma vengeance. » Il est assouvi et comblé ; comme un loup et comme un lion, il ne se soucie plus de rien. […] Swift suppose que son ennemi le libraire Curl vient d’être empoisonné, et il raconte son agonie. […] Là-dessus ils se mirent à scruter le manuscrit et trièrent le premier mot : shoulder ; mais la même planète, ennemie de leur repos, fit ce miracle qu’un K fut introuvable. […] La sensibilité, l’esprit positif et l’orgueil lui ont forgé un style unique, d’une véhémence terrible, d’un sang-froid accablant, d’une efficacité pratique, trempé de mépris, de vérité et de haine, poignard de vengeance et de guerre qui a fait crier et mourir ses ennemis sous sa pointe et sous son poison.