Maintenant qu’il a forcé l’entrée, vous ne voyez pas d’abord quelle est, parmi vos anciennes idées, celle qu’il chassera ou qu’il ne chassera pas, celle avec laquelle il pourra se réconcilier, celle qui trouvera en lui un implacable ennemi. […] De 1730 à 1780, l’admiration des Français pour les tragédies de Voltaire fut unanime, et ce sentiment avait tant de poids et de force, que les ennemis même dont Voltaire ne manquait pas déposaient les armes devant ses tragédies. […] Un critique que nous n’avons plus à ménager, depuis que son alliance avec les ennemis de la vérité, de l’humanité et de la justice a montré qu’il n’avait pas d’autres vertus morales que les qualités brillantes de son très bel esprit, a tué l’auteur du beau sonnet des Deux cortèges. […] Voltaire, au contraire, a trop d’importance comme ennemi de ce qu’une moitié de l’humanité déteste et de ce que l’autre adorera longtemps encore, pour redouter, tant que durera cet antagonisme, l’indifférence, qui est la seule mort en littérature. […] Si « différence engendre haine », selon la loi psychologique de Stendhal, combien ne dois-je pas haïr un barbare, ennemi de la littérature, qui renverse ainsi mes autels et mes dieux et ma religion et ma pensée même et ma vie intellectuelle et toute la raison de mon travail et tout le sens de mon activité !
Je ne pense point que ce soit un paradoxe que de rattacher à ce courant des auteurs tels que Pascal, cet implacable ennemi des Jésuites ; Molière, le vigoureux accusateur des Tartuffes3 et des marquis, La Fontaine, le profond moraliste qui semble avoir prévu d’avance, par une espèce d’induction anticipée, tout le côté piquant de l’histoire, et même de notre histoire contemporaine. […] « À Moscou, dit-il, nous fûmes accablés par la nature ; en Allemagne nous fûmes vaincus par quelque chose de plus noble et de plus grand, par quelque chose de surnaturel, et que la France est digne de sentir et d’admirer, même dans un ennemi, — l’exaltation religieuse et patriotique d’un grand peuple qui reconquiert son indépendance, son génie et son caractère national. » Le reste du livre se compose de souvenirs de voyage, et de notices sur les anciens poèmes épiques des Germains, sur la littérature moderne, ou sur la philosophie. […] Mais ils n’avaient rencontré que le premier ennemi. […] préservez-moi, préservez ceux que j’aime, Frères, parents, amis, et mes ennemis même Dans le mal triomphants, De jamais voir, Seigneur ! […] Il n’en est pas ainsi de la forêt majestueuse qui s’est élancée vers le ciel sans le secours de l’homme, les siècles l’ont respectée et ses profondes solitudes nous remplissent encore d’une sainte terreur. » Henri Heine, le terrible ennemi de Schlegel, jugeait ainsi ces velléités de réforme : « A.