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549. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Après avoir suivi les détours de ce chemin pittoresque dont les moindres accidents réveillent des souvenirs et dont l’effet général tend à plonger dans une sorte de rêverie machinale, vous apercevez un renfoncement assez sombre, au centre duquel est cachée la porte de la maison à M.  […] Grandet jouissait à Saumur d’une réputation dont les causes et les effets ne seront pas entièrement compris par les personnes qui n’ont point vécu en province. […] Sa parole, son vêtement, ses gestes, le clignement de ses yeux, faisaient loi dans le pays, où chacun, après l’avoir étudié comme un naturaliste étudie les effets de l’instinct chez les animaux, avait pu reconnaître la profonde et muette sagesse de ses plus légers mouvements. […] Elle éprouvait déjà les effets de cette profonde pudeur et de cette conscience particulière de notre bonheur qui nous fait croire, non sans raison peut-être, que nos pensées sont gravées sur notre front et sautent aux yeux d’autrui. […] Il lui donne 500 000 francs pour les désintéresser ; mais, pour gagner plus encore sur cette opération, il rassemble tout son or cerclé en barils, et va dans la nuit les changer en effets à Nantes, de façon à bénéficier encore 40 000 francs sur le prix de l’or.

550. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Vers le troisième mois, elle commence à tâter avec ses mains, à avancer ses bras ; mais elle ne sait pas encore diriger sa main, elle palpe et remue vaguement ; elle essaye les mouvements des membres antérieurs et les sensations tactiles et musculaires qui en sont l’effet ; rien de plus. […] Bien mieux, avant-hier, voyant un chevreau d’un mois qui bêlait, elle a dit oua-oua, le nommant d’après le chien, qui est la forme la plus voisine, et non d’après le cheval, qui est trop grand, ou d’après le chat, qui a une tout autre allure175. — Voilà le trait distinctif de l’homme ; deux perceptions successives fort dissemblables laissent néanmoins un résidu commun qui est une impression, une sollicitation, une impulsion distincte dont l’effet final est telle expression inventée ou suggérée, c’est-à-dire tel geste, tel cri, telle articulation, tel nom. […] Bébé. — On a vu la signification singulière qu’elle donnait d’abord à ce mot ; peu à peu, par l’effet de l’éducation, il s’est rapproché chez elle du sens ordinaire. […]  » Maintenant, elle va toute seule devant la glace, et dit bébé, en riant, quand elle s’y voit. — Partant de là, elle a étendu le sens du mot ; elle appelle bébés toutes les figurines, par exemple les statues en plâtre de demi-grandeur qui sont dans l’escalier, les figures d’hommes et de femmes des petits tableaux et des estampes. — Cette fois encore, l’éducation produit un effet sur lequel on ne comptait pas ; le caractère général saisi par l’enfant n’est pas celui que nous voulions lui faire saisir ; nous lui avons enseigné le son, il en a inventé le sens. […] Le petit garçon d’un voisin, à vingt mois, avait un vocabulaire de sept mots, et parmi ceux-ci le mot Ça y est, assez analogue au mot tem, et intraduisible comme lui dans notre langage ; car il l’employait à tout propos, pour dire voilà, je l’ai, c’est fait, il est venu, etc., désignant par là tout achèvement d’action et d’effet.

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