/ 1643
424. (1896) Le livre des masques

L’Aube pâle s’est vue à des eaux mornes Et les faces du soir ont saigné sous les flèches Du vent mystérieux qui rit et qui sanglote. […] Je sais de tristes eaux en qui meurent les soirs ; Des fleurs que nul n’y cueille y tombent une aune… Encore très différent en cela de Verhaeren, il est maître absolu de sa langue ; que ses poèmes soient le résultat d’un long ou d’un bref travail, ils ne portent nulle marque d’effort, et ce n’est pas sans étonnement, ni même sans admiration, que l’on suit la noble et droite chevauchée de ces belles strophes, haquenées blanches harnachées d’or qui s’enfoncent dans la gloire des soirs. […] Midi fut lourd d’orage et morne de soleil Au jardin mort de gloire en son sommeil Léthargique de fleurs et d’arbres, L’eau était dure à l’œil comme du marbre, Le marbre tiède et clair comme de l’eau Et l’enfant qui vint était beau, Vêtu de pourpre et lauré d’or, Et longtemps on voyait de tige en tige encor, Une à une, saigner les pivoines leur sang De pétales au passage du bel Enfant. […] Dans la grotte au vain bruit dont l’entrée est tout lierre, Sur la roche pointue aux chèvres familière, Sur le lac, sur l’étang, sur leurs tranquilles eaux, Sur les bords émaillés où plaignent les roseaux, Dans le cristal rompu des ruisselets obliques, Il aime à voir trembler tes feux mélancoliques. […] Le procédé inverse est plus conforme au vieux goût des hommes de prêter aux choses de vagues sentiments et une obscure conscience ; il reste fidèle à la tradition panthéiste et animiste, sans laquelle il n’y aurait de possible ni art ni poésie : c’est la profonde source ou viennent se remplir toutes les autres, eau pure que le moindre soleil transforme en pierreries vivantes comme les colliers des fées.

425. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Il a mis un doigt d’eau dans son vin ; mais il peint et il compose toujours avec énergie et imagination. […] Comme elles sont fraîches, ces eaux qui amènent par troupes ces convives distingués sous ce portique ruisselant de lierre et de roses ! […] Les eaux y sont plus lourdes et plus solennelles qu’ailleurs, la solitude plus silencieuse, les arbres eux-mêmes plus monumentaux. […] Plus tard, sans aucun doute, il nous étalera, dans des peintures achevées, les prodigieuses magies de l’air et de l’eau. […] Au détour d’un bosquet, abritée sous de lourds ombrages, l’éternelle Mélancolie mire son visage auguste dans les eaux d’un bassin, immobiles comme elle.

/ 1643