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449. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Les chefs, avides de combats, n’écoutèrent ni ses prières, ni les douces plaintes qu’elle adressait à son père, et ils ne furent point attendris par sa jeunesse. Et le père lui-même, après l’invocation, ordonna aux sacrificateurs de la saisir comme une chèvre, et de l’étendre sur l’autel, enveloppée de ses vêtements et la tête pendante, et de comprimer sous un bandeau sa belle bouche, pour étouffer les mots funestes qu’elle aurait pu dire. — Tandis qu’elle versait sur la terre son sang couleur de safran, d’un trait de ses yeux elle saisit de pitié les sacrificateurs, belle comme dans les peintures ; et on voyait qu’elle voulait leur parler, comme aux jours où elle charmait par ses douces paroles les riches festins paternels. […] » Il retrouvera sa femme fidèle, telle qu’il l’a laissée : « chienne de la maison, douce pour lui, mauvaise à ses ennemis ». […] » — Le sang dont elle est baignée la rafraîchit et l’enivre. — « En rendant l’âme, il m’a arrosée d’un jet de sa blessure, noire rosée aussi douce pour moi que l’est la pluie de Zeus à l’épi gonflé. » — Que lui importe qu’on l’approuve ou qu’on la maudisse ?

450. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Roger de Rabutin, a-t-il dit de lui-même, avait les yeux grands et doux, la bouche bien faite, le nez grand tirant sur l’aquilin, le front avancé, le visage ouvert et la physionomie heureuse, les cheveux blonds, déliés et clairs (tous les signes de haute et fine race). […] Il était né doux… Ici nous l’arrêtons, et nous disons avec tous ceux qui l’ont connu : il était né mordant, médisant à l’excès, et ne pouvant retenir le sel qui s’échappait de ses lèvres et qu’il prenait soin le plus souvent de fixer dans ses écrits. […] Il avait le génie admirable, et particulièrement pour la guerre : le jour du combat, il était fort doux à ses amis, fier aux ennemis ; il avait une netteté d’esprit, une force de jugement et une facilité sans égale. […] [NdA] Il s’est toujours vanté de cette douceur naturelle, antérieure et secrète : Il est vrai, écrivait-il à Mlle de Scudéry (16 juillet 1672), que je suis naturellement doux et tendre ; aussi ai-je pris pour ma devise une ruche de mouches à miel, avec ce mot : Sponte favos, aegre spicula ; La douceur naturelle, et l’aigreur étrangère.

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