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303. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mme d’Houdetot passa à la campagne le temps même de la Terreur ; sa retraite fut respectée ; ses parents s’y pressaient autour d’elle, et il se pourrait bien (écrit Mme de Rémusat dans un charmant portrait de sa vieille amie) qu’elle n’eût gardé de ces jours affreux que le souvenir des obligations plus douces et des relations plus affectueuses qu’ils lui valurent. […] Pour nous littérateurs, et à ne juger que d’un peu loin et par les livres, nous dirions que si Mme de Staël introduisit et maintint une sorte de sérieux plus exalté, que si Mme Guizot (Mlle de Meulan) ne craignit pas un sérieux plus raisonneur et parfois contredisant, Mme de Rémusat dut rechercher un sérieux plus uni à la fois et plus doux. […] les doux sentiments personnels redoublent le pas en s’associant à ceux des pères et des aïeux. […] Dirai-je que je ne haïssais point mes ennemis, lorsque vous aviez permis que mon cœur fût entièrement occupé par les sentiments les plus doux ? […] On aime à voiries âmes plus douces, comme les plus orageuses, proclamer le besoin d’un même port.

304. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Les philosophes répondaient que ce sont des machines, sortes d’horloges qui remuent et font un bruit : « Mainte roue y tient lieu de tout l’esprit du monde ; la première y meut la seconde, une troisième suit, elle sonne à la fin. » Malebranche, si doux et si tendre, battait sa chienne, alléguant qu’elle ne sentait point, et que ses cris n’étaient que du vent poussé dans un conduit vibrant. […] Notre vie inquiète nous rend plus doux le spectacle de leur vie tranquille. […] Une pousse est venue, une autre va venir ; voilà toute la vie végétale exempte d’effort, de privation et de recherche, encore plus douce à contempler que celle de l’animal. […] Il verra le pigeon voleter avec un empressement gracieux autour de sa femelle, baisser et relever tout à tour son col flexible d’un air suppliant et tendre, attacher longuement sur elle ses yeux si doux, et se soulever à demi sur ses ailes bleuâtres pour la becqueter de son bec rosé et délicat. […] Quel ton triste et doux que celui du pauvre agneau !

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