Stéphane Mallarmé a mis en tête de sa traduction des poèmes d’Edgar Poe8 ce sonnet préliminaire : LE TOMBEAU D’EDGAR POE Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change Le Poète suscite avec un glaive nu Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu Que la Mort triomphait dans cette voix étrange Eux comme un vil sursaut d’hydre oyant jadis l’ange Donner un sens plus pur aux mots de la tribu Proclamèrent très haut le sortilège bu Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange Du sol et de la nue hostiles ô grief Si notre idée avec ne sculpte un bas-relief Dont la tombe de Poe éblouissante s’orne Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur Que ce granit du moins montre à jamais sa borne Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur Qu’est-ce que cela veut dire ? […] Je vous ai donné ce sonnet tel qu’il est dans le livre, sans aucune espèce de ponctuation. […] « La foule, qui d’abord avait sursauté comme une hydre en entendant cet ange donner un sens nouveau et plus pur aux mots du langage vulgaire, proclama très haut que le sortilège qu’il nous jetait, il l’avait puisé dans l’ignoble ivresse des alcools ou des absinthes.
Il a de même donné d’un peu longues, un peu insistantes, mais intéressantes sensations sur les vitres où meurt le soir, sur les malades à la fenêtre ; c’est souvent ténu, aigu et délicat. […] Sa fin prématurée, d’ailleurs, vient, témoigner pour lui-même, et aujourd’hui je puis penser qu’après tout j’ai pu mal le comprendre… Toute l’œuvre de Rodenbach atteste sa préoccupation de mourir jeune et la crainte de ne rien laisser de sa vie et de ses émotions. « Seigneur, s’écriait-il déjà aux pages de la Jeunesse blanche, donnez-moi cet espoir de revivre Dans la mélancolique éternité du livre. » [Mercure de France (1898).] […] On les aima quelquefois pour la douceur berceuse de leurs inflexions, on les écouta à cause de l’apaisement que cela donnait, à cause des beaux vers dont la musique imprécise charmait.