Je me bornerai donc à dire que j’ai éprouvé des angoisses cruelles, car j’avais pour ennemis des hommes dont l’habileté égalait la puissance, et bien décidés à consommer ma ruine par tous les moyens dont ils pourraient disposer ; tandis que, d’un autre côté, n’ayant à opposer à de si formidables ennemis que ma jeunesse et mon inexpérience (et, je dois le dire aussi, l’assistance que je tirais de la bonté divine), je me vis réduit à un tel degré d’infortune, que j’eus en même temps à supporter la terreur religieuse d’une excommunication et le pillage de mes propriétés, à résister aux efforts qu’on faisait pour me dépouiller de mon crédit dans l’État, mettre le désordre dans ma famille, et me priver de la vie par des attentats sans cesse renouvelés, en sorte que la mort même me paraissait le moindre des maux que j’avais à éviter. […] Elles coulaient, ces larmes divines, sur des joues où le lis semble mêlé d’une teinte légère d’incarnat ; elles coulaient sur cette peau délicate et tendre, comme ferait un clair ruisseau dans une prairie émaillée de fleurs blanches et roses. […] Sa taille était noble et élégante ; il y avait dans toute son apparence quelque chose de divin ; doué d’une pénétration d’esprit inconcevable, d’une mémoire infaillible, d’une ardeur infatigable au travail, parlant avec autant d’éloquence que de netteté, on ne savait ce que l’on devait le plus admirer, de ses talents ou de ses vertus.
C’est pendant ce travail que, le jour du Vendredi Saint, 1857, grâce à un ensemble de circonstances fortuites, Wagner se ressouvint de la figure divine poétisée par lui dans son Jésus de Nazareth ; il entendit ce soupir de la plus profonde pitié qui, jadis, retentit de la croix sur Golgotha, et qui, aujourd’hui, s’échappe de notre propre poitrine » (R. […] Parsifai, lui, n’en resta pas moins l’Ananda du renoncement ; et le pèlerin qui, à Karéol, répandait aux plaintes de Tristan par l’inutile opposition d’une autre foi, acquit une signification vivante lorsqu’il eut entendu « le soupir de divine compassion », qu’il put guérir la plaie de Tristan-Amfortas, et lui dire : « Bénies soient tes souffrances, qui ont enseigné à l’irrésolu Fol la très haute puissance de la Compassion et la force de la plus pure Science. » Il est superflu, après cet historique, de déclarer que Parsifal n’est pas la glorification d’un dogme religieux. […] Parsifal, c’est nos désirs, nos vouloirs, nos regrets, nos vouloirs éteints, l’homme réel : et, par le tout divin langage des musiques (à notre faiblesse facilité par le symbole des gestes et des mots), c’est, vécue, la vie qu’il faut vivre, — expliquée, l’explication, — une formule inventée au très vieil idéal. » 32.