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465. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Nul à Weimar n’aurait osé se scandaliser d’une hardiesse de la vie privée ou publique du roi de l’intelligence en Allemagne ; il était, comme Louis XIV, au-dessus de l’humanité : il avait le droit divin du scandale. […] Quand je voyais le peuple se rendre en foule à l’église, quand j’entendais les membres d’une nombreuse communion de croyants confondre leurs voix dans une même prière : Oui, me disais-je, elle est divine cette loi que les meilleurs des hommes professent, qui dompte l’esprit et console le cœur. […] Cette divine impassibilité du grand artiste, qui se sépare pour ainsi dire en deux êtres, l’être sentant et l’être impassible, est supérieure à la sensibilité vulgaire, car elle l’élève au-dessus de la région des sensations jusqu’à la région de la pure intellectualité. […] C’est un jeu d’esprit au lieu de la plus sainte aspiration de l’âme, un matérialisme de mots au lieu du divin spiritualisme des pensées. […] Ils sont à l’art divin de la pensée ce que les parodistes de nos petits théâtres sont aux chefs-d’œuvre de la scène, ce que les grotesques des ballets italiens sont aux statues de Phidias ou aux grâces chastes de la Vénus antique.

466. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

XVII Plut à Dieu que j’eusse fait comprendre à quelques belles âmes qu’il y a dans le culte pur des facultés humaines et des objets divins qu’elles atteignent une religion tout aussi suave, tout aussi riche en délices que les cultes les plus vénérables. […] Je comprends la plus radicale divergence sur les meilleurs moyens pour opérer le plus grand bien de l’humanité ; mais je ne comprends pas que des âmes honnêtes diffèrent sur le but et substituent des fins égoïstes à la grande fin divine : perfection et vie pour tous. […] Le seul souverain de droit divin, c’est la raison ; la majorité n’a de pouvoir qu’en tant qu’elle est censée représenter la raison. […] Gouverner pour le progrès, c’est gouverner de droit divin. […] Les philosophes, qui sont les souverains de droit divin, agacent le peuple et ont sur lui peu d’influence.

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