Dans ses discours, avec tous les mots heureux qu’on lui a vus et les saillies qui lui échappaient, il n’avait pas la netteté, et, à un certain moment, il s’embarrassait dans les digressions, ce qui a fait dire à Fénelon « qu’il n’avait que des lueurs d’esprit ». […] Ce discours vous déplaira fort, Et je confesse que j’ai tort De parler du soin de ma vie À celui qui n’eut d’autre envie Que de chercher partout la mort… Mais vous et moi, c’est bien différent, continuait agréablement Voltaire : si, en l’une de vos belles journées, un coup de canon vous avait envoyé chez Pluton, vous étiez sûr d’avoir toutes les consolations magnifiques qu’on décerne aux fameux capitaines : service solennel, oraison funèbre, et Saint-Denis peut-être au bout : Mais si quelque jour, moi chétif, J’allais passer le noir esquif, Je n’aurais qu’une vile bière ; Deux prêtres s’en iraient gaiement Porter ma figure légère Et la loger mesquinement Dans un recoin du cimetière. […] Si vous m’en croyez, vous ne vous abandonnerez pas à Vinache, quoique ses discours séduisants, l’art de réunir l’influence des sept planètes avec les minéraux et les sept parties nobles du corps, et le besoin de trois ou quatre javottes, donnent de l’admiration.
une anatomie vivante du pamphlet qui ressemble beaucoup moins à une analyse qu’à un hymne ; mais ce lyrisme en l’honneur du pamphlet, le discours écrit, prouve à quel point cette forme, qui chez lui a le caractère oratoire, mais qui n’est pas nécessairement oratoire, transportait et emportait haut sa pensée. Intellectuellement orateur, mais empêtré dans un corps qui ne l’était pas, — car le corps, c’est la moitié de l’orateur, — sagace comme le bel œil noir, un peu couvert, de son portrait, le dit, mais lourd, épais et gauche de tournure et de mains, comme le dit son portrait encore, cet indigéré de discours accumulés au fond de sa pensée et qui ne passaient pas assez vite dans ses organes pour qu’il les dardât de la tribune à ses adversaires, il les expectorait dans ses pamphlets, et Dieu sait avec quelle abondance, quelle facilité, quel jet de salive ! […] Il ne se contenta pas d’un petit nombre de ces discours écrits qui le vengeaient de son mutisme parlementaire.