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286. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

J’ai été bien autrement victime moi-même d’une prévention et d’une erreur des hommes, quand, ayant eu le malheur d’atteindre le chef des gardes de notre forêt en croyant défendre ma cousine, mon oncle et ma tante audacieusement attaqués à coups de fusil, j’ai été jugé digne de mort et miraculeusement sauvé de la guillotine : eh bien ! […] Heureusement que ceux qui la méprisent dans un bonnet la vénèrent dans un chapeau. » Saillie peu décente dans la bouche d’un évêque, assimilant par un jeu de mots le bonnet rouge du terroriste au chapeau du cardinal, d’un évêque, exaltant ce dont Robespierre et d’autres avaient rougi : le terroriste avait fait un digne prosélyte ! […] Il faut convenir que ce pauvre évêque avait peu de présence d’esprit contre les paradoxes du terrorisme, et l’on ne doit pas s’étonner qu’il tombe, comme saint Paul sur le chemin de Damas, atterré et sans paroles, aux genoux de celui qui daigne l’instruire des droits de la colère et de la sublimité des vengeances du peuple, pour adorer le révélateur du mystère de l’échafaud et pour montrer, le lendemain, le ciel comme le seul séjour digne de ce prophète du comité de salut public ! […] Je comprends très bien que Victor Hugo, plus libre, plus plein de loisirs que moi, ait été tenté par ce seul sujet, véritablement digne de l’homme, par ce poème, terrible et touchant à l’invraisemblable, de la misère des êtres humains : seulement je ne comprends pas autant pourquoi il fait de cette souffrance universelle des êtres un sujet d’amertume, de critique acerbe, d’accusation contre la société. […] Et remarquez déjà, chose étonnante dans ce poème des travailleurs illusionnés : c’est que personne n’y travaille, et que tous sortent du bagne ou sont dignes d’y être, à l’exception de l’évêque et de Marius, de la religion et de l’amour.

287. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Ceux qui tiennent pour les mœurs fières & sévères de l’ancienne tragédie & pour les passions les plus dignes de l’homme, se prévalent de l’exemple de Corneille, qui peint toujours en grand, qui s’est presque toujours élevé au-dessus de ce ton de galanterie à la mode dans son siècle. […] La première qui se présente contre le comique attendrissant, est que nos grands comiques François ne s’étoient point douté de ce genre ; que ce n’est point celui de Molière & de Regnard ; qu’on n’a de comédies, qui en approchent, que celles de Mélite, de la Place royale, de la Veuve ; toutes pièces détestables, & peu dignes de leur auteur. […] Plus ce genre de spectacle est critiqué, plus il est juste, s’écrioient ses partisans, que nous l’applaudissions, & que nous dédommagions, autant qu’il est en nous, un digne citoyen, puisqu’il n’y a pas une seconde Athènes pour récompenser ceux qui fournissent de nouveaux plaisirs à leur patrie. […] Ce goût tomba vers l’an 1660 ; mais on l’a relevé depuis, on l’a épuré, on l’a rendu digne d’une nation dont le génie est si analogue à celui des Grecs pour l’esprit, la politesse, les graces, l’enjouement & la bonne plaisanterie. […] Charles Borromée, sans que ce digne archevêque s’en formalisât : il la permit par une ordonnance de 1583.

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