Tu verras comme moi s’alarmer ta tendresse, Surtout si c’est l’enfant sorti de ta vieillesse, S’il a survécu seul à ses frères nombreux, S’il est l’unique bien que t’aient laissé les Dieux, S’il est l’appui dernier d’une maison qui tombe, Et si tous ses aïeux le suivent dans la tombe. […] En vain le soin des Dieux et l’amour des Déesses Environna son cœur des plus douces promesses ; A l’offre du Ciel même et des divins honneurs, Il fixait sur la mer un œil mouillé de pleurs.
— Ajax en révolte s’écriait : Je me sauverai malgré les Dieux ; et Lucrèce : Je m’abîmerai à l’insu des Dieux. » Il s’attachait, dans la lecture du livre, à dessiner l’âme du poète, à ressaisir les plaintes émues que le philosophe mettait dans la bouche des adversaires, et qui trahissaient peut-être ses sentiments propres ; il relevait avec soin les affections et les expressions modernes, cet ennui qui revient souvent, ce veternus, qui sera plus tard l’acedia des solitaires chrétiens, le même qui engendrera, à certain jour, l’être invisible après lequel courra Hamlet, et qui deviendra enfin la mélancolie de René.