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274. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

La jeunesse actuelle ne cesse de défier la mort par devoir ou par caprice, avec un sourire de Spartiate, sourire d’autant plus grave que tous ne croient pas au festin des dieux. […] Ce n’est point une idole, c’est, pour la plupart des hommes, un dieu et un dieu autour duquel bien des dieux supérieurs sont tombés. […] Une fermeté invincible le soutient contre tous et contre lui-même à cette pensée de veiller sur ce tabernacle pur, qui est dans sa poitrine comme un second cœur où siègerait un dieu. […] C’est là une œuvre divine à faire. — Pour moi, frappé de ce signe heureux, je n’ai voulu et ne pouvais faire qu’une œuvre bien humble et tout humaine, et constater simplement ce que j’ai cru voir de vivant encore en nous. — Gardons-nous de dire de ce dieu antique de l’Honneur que c’est un faux dieu, car la pierre de son autel est peut-être celle du Dieu inconnu.

275. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Au temps des Empereurs, quand les dieux adultères, Impuissants à garder leur culte et leurs mystères, Pâlissaient, se taisaient sur l’autel ébranlé Devant le Dieu nouveau dont on avait parlé, En ces jours de ruine et d’immense anarchie Et d’espoir renaissant pour la terre affranchie, Beaucoup d’esprits, honteux de croire et d’adorer, Avides, inquiets, malades d’ignorer, De tous lieux, de tous rangs, avec ou sans richesse, S’en allaient par le monde et cherchaient la sagesse. […] « Le dieu qu’on inaugure en pompe au Capitole, « Du dieu jeune et vainqueur n’est souvent qu’une idole ! […] Ce domaine s’étendait sur un terrain plat, entre quelques hauteurs au sud-ouest et le bord uni de la rivière, comprenant dans ses limites un vignoble, un verger, un rucher et d’excellentes terres de pâturages qui permettaient au propriétaire de porter ses fromages à Mantoue, et de nourrir des victimes pour les autels des dieux. […] Il aimait à faire à loisir de belles choses qui rempliraient l’univers et qui rassembleraient dans une même admiration tout un peuple de nobles esprits ; mais ses délices, à lui, étaient de les faire en silence et dans l’ombre, et sans cesser de vivre avec les nymphes des bois et des fontaines, avec les dieux cachés. […] Il y placera César (c’est-à-dire Auguste) comme le dieu du temple, et il instituera, il célébrera des courses et des jeux tout à l’entour, des jeux qui feront déserter à la Grèce ceux d’Olympie.

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