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34. (1890) L’avenir de la science « XII »

Les écrits destinés à combattre une erreur disparaissent avec l’erreur qu’ils ont combattue. […] Le dessin général des formes de l’humanité ressemble à ces colossales figures destinées à être vues de loin, et où chaque ligne n’est point accusée avec la netteté que présente une statue ou un tableau. […] Et, quand la Bretagne ne sera plus, la France sera ; et, quand la France ne sera plus, l’humanité sera encore, et éternellement l’on dira : « Autrefois, il y eut un noble pays, sympathique à toutes les belles choses, dont la destinée fut de souffrir pour l’humanité et de combattre pour elle. » Ce jour-là, le plus humble paysan, qui n’a eu que deux pas à faire de sa cabane au tombeau, vivra comme nous dans ce grand nom immortel 111 ; il aura fourni sa petite part à cette grande résultante. […] Voilà la loi de l’humanité : vaste prodigalité de l’individu, dédaigneuses agglomérations d’hommes (je me figure le mouleur gâchant largement sa matière et s’inquiétant peu que les trois quarts en tombent à terre) ; l’immense majorité destinée à faire tapisserie au grand bal mené par la destinée, ou plutôt à figurer dans un de ces personnages multiples que le drame ancien appelait le chœur. […] L’histoire littéraire est destinée à remplacer en grande partie la lec-ture directe des œuvres de l’esprit humain.

35. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

. — Les Destinées (1864). — Le Journal d’un poète (1865). […] Il se retira « dans sa tour d’ivoire », et là, sur le plus haut degré, l’œil baigné de ciel, il continuait son œuvre ; il écrivait les Destinées, poèmes philosophiques plus graves peut-être encore, plus sévères que les Poèmes antiques et modernes. Le penseur a mûri, il est dans toute la force de sa virilité stoïque, et le poète n’est ni desséché ni refroidi ; seulement il a revêtu la sombre parure des jours de bataille ; il a mis, sur la tunique d’or, une cuirasse d’airain pour le grand combat contre les destinées et contre les dieux. […] Son mal ne l’isole pas de celui des autres hommes, et c’est leur sang qu’il jette avec le sien à la face des dieux, en accusant l’implacable destinée.

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